Joe Biden, qui s’y refusait jusqu’ici, a donné son feu vert pour que l’Ukraine frappe sous certaines conditions des cibles sur le sol russe, dans la région de Kharkiv, a indiqué jeudi un responsable américain.

« Le président a donné pour mission à son équipe de faire en sorte que l’Ukraine puisse utiliser des armes américaines afin de contre-attaquer dans la région de Kharkiv, de manière à riposter lorsque les forces russes les attaquent ou se préparent à les attaquer », a dit cette source.

Ce responsable, qui a requis l’anonymat, a toutefois ajouté que les États-Unis continuaient à s’opposer à des frappes ukrainiennes en profondeur sur le territoire russe.

« Notre position d’interdiction de l’utilisation d’ATACMS ou de frappes en profondeur à l’intérieur de la Russie n’a pas changé », a-t-il dit.

Les ATACMS sont des missiles de longue portée fournis par les Américains à l’Ukraine, pouvant aller jusqu’à 300 kilomètres de distance.

Kharkiv, dans l’est de l’Ukraine, est la cible quasi-quotidienne de bombardements venant principalement du territoire russe.

La Russie a lancé début mai une offensive dans la région, et gagne du terrain face à une armée ukrainienne en difficulté.

Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken avait laissé entendre mercredi que les États-Unis avaient infléchi leur position en termes de frappes ukrainiennes sur le sol russe.

« Alors que les conditions ont changé, alors que le champ de bataille a changé, alors que la Russie a modifié la manière de conduire son agression, nous nous sommes adaptés et ajustés et je suis convaincu que nous continuerons de le faire », avait-il dit à la presse lors d’une visite en Moldavie, pays frontalier de l’Ukraine.

L’OTAN pousse les capitales occidentales à lever des restrictions qui « lient les mains dans le dos des Ukrainiens », selon les termes de son secrétaire général, Jens Stoltenberg, une position à laquelle se sont ralliés plusieurs pays, dont la France.

Le Kremlin a pour sa part reproché à l’alliance atlantique de lancer « un nouveau cycle d’escalade ».

L’OTAN appelée à lever les restrictions sur les armes fournies à Kyiv

Les pays alliés de l’Ukraine doivent la laisser frapper la Russie avec les armes qu’ils lui fournissent, a réclamé jeudi à Prague le secrétaire général de l’Alliance Jens Stoltenberg, peu avant le début d’une réunion ministérielle de l’Alliance atlantique.

PHOTO NIKOLAY DOYCHINOV, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, s’est déclaré favorable à fournir certaines armes à l’Ukraine, mais plusieurs pays alliés de l’Ukraine, dont les États-Unis, y sont beaucoup plus réticents.

« Je pense qu’il est temps de remettre en cause certaines de ces restrictions afin de permettre aux Ukrainiens de se défendre », à la lumière des récents combats, a-t-il déclaré lors d’une conférence à Prague, où se retrouvent jeudi soir et vendredi les ministres des Affaires étrangères de l’OTAN.

Moscou a lancé une offensive aux abords de Kharkiv, seconde ville ukrainienne, située non loin de la frontière russe.

Le débat sur l’utilisation ou non sur le territoire de la Russie de certaines des armes fournies à Kyiv par les Occidentaux, en l’occurrence des missiles à longue portée, agite les capitales des pays de l’Alliance.

Plusieurs pays, dont la France, y sont favorables, mais d’autres, comme les États-Unis, y sont beaucoup plus réticents, redoutant un conflit direct avec Moscou.

Le Kremlin a accusé jeudi l’OTAN de « provoquer » l’Ukraine pour prolonger « une guerre insensée » après un avertissement lancé mardi aux Alliés par le président russe Vladimir Poutine sur de « graves conséquences » s’ils devaient donner leur feu vert.

Mardi à Berlin, le président français Emmanuel Macron s’y est de son côté montré favorable. Plus évasif, le chancelier allemand Olaf Scholz n’a pas levé explicitement son veto à un usage en territoire russe des armes que son pays fournit à Kyiv.

Missiles à longue portée

Et cela d’autant plus que Berlin se refuse à fournir à l’Ukraine les missiles Taurus à longue portée qu’elle fabrique, pourtant instamment réclamés par le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

« La République tchèque n’a aucun problème avec l’Ukraine se défendant contre l’agresseur (russe), y compris par des attaques qui nécessairement doivent se faire sur le sol russe », a en revanche déclaré jeudi le ministre tchèque des Affaires étrangères, Jan Lipavsky, hôte de cette réunion qui débute jeudi soir par un dîner de travail.

Le chef de la diplomatie norvégienne, Espen Barth Eide, s’y est dit également favorable.

« Sinon, nous imposons à l’Ukraine une limite qui rend la victoire plus difficile », a-t-il déclaré à Prague.

La France compte évoquer ce sujet lors de cette réunion, dans l’espoir de faire changer d’avis les pays les plus réticents qui sont, outre l’Allemagne, l’Italie et les États-Unis.

« Les idées du président Macron vont aider les Alliés » qui jugent que ces restrictions doivent disparaître, a estimé un diplomate de l’OTAN.

Les discussions devraient également se concentrer sur la nécessité, chaque jour plus urgente, de fournir à l’Ukraine les batteries de défense antiaérienne et les munitions que les forces ukrainiennes, en difficultés sur le champ de bataille, réclament avec insistance.

Systèmes Patriot

« Aujourd’hui, nous avons 25 % de ce dont on a besoin pour défendre l’Ukraine, je parle de systèmes de défense aérienne » en particulier les systèmes américains Patriot, a rappelé le 18 mai M. Zelensky dans un entretien avec l’AFP.

Sa demande pour recevoir au moins sept de ces batteries n’a débouché pour l’instant que sur l’envoi d’un seul exemplaire, par l’Allemagne.

Les ministres vont aussi préparer le sommet de l’OTAN prévu à Washington en juillet et discuter d’une enveloppe de 100 milliards d’euros pour aider l’Ukraine sur le long terme. Mais plusieurs pays alliés s’interrogent sur le contenu de cette proposition lancée par M. Stoltenberg.  

« Tout le monde comprend la nécessité d’annoncer quelque chose de conséquent, mais on ne veut pas non plus que ce soit seulement du vent », a résumé un diplomate à l’OTAN.

Les Alliés semblent en revanche plus unis sur un passage de flambeau entre les États-Unis et l’OTAN en ce qui concerne la coordination de l’aide militaire à l’Ukraine.

Ce transfert vers l’OTAN est censé garantir la continuité de cette aide militaire dans le cas d’un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Plusieurs pays de l’OTAN redoutent en effet qu’il cherche à y mettre un terme, s’il devait être élu en novembre.

Jeudi à Prague, M. Stoltenberg a confirmé qu’à Washington, l’OTAN chercherait « à renforcer » son soutien à l’Ukraine, en reprenant la main sur la coordination et grâce à un « engagement financier pluri-annuel » qu’il n’a toutefois pas chiffré.