Le nombre de victimes des armes à sous-munitions a atteint, en 2022, son plus haut niveau depuis l’entrée en vigueur d’un traité international visant à faire cesser leur production et leur utilisation.

L’observatoire chargé de suivre l’application du traité signale, dans son plus récent rapport annuel, que 1172 personnes ont été tuées ou blessées lors d’attaques menées avec ce type d’armes durant l’année.

Quelque 185 autres victimes ont été touchées par des sous-munitions tombées au sol sans exploser immédiatement lors d’attaques passées.

Dans les deux cas, presque toutes les personnes concernées étaient des civils, ce qui témoigne de l’« impact humanitaire dévastateur » de ces engins sur les populations des zones visées.

Les armes à sous-munitions, qui peuvent être tirées à partir du sol ou des airs, s’ouvrent normalement avant l’impact en libérant de multiples bombes de petite taille. Plusieurs se fichent dans la terre sans exploser et représentent une menace à long terme pour la population, même après la fin du conflit.

« Inconcevable »

Human Rights Watch, qui a chapeauté la production du rapport, a déclaré mardi qu’il était « inconcevable » d’observer que les armes à sous-munitions continuent de faire des ravages près de 15 ans après l’entrée en vigueur du traité visant à les faire disparaître.

« Les États qui continuent de faire fi de l’indignation suscitée par ces armes devraient revoir leur position en considérant les dommages qu’elles suscitent » et se rallier aux pays signataires, a affirmé Mary Wareham, responsable du dossier au sein de l’organisation.

Le nombre de victimes de nouvelles attaques semble d’autant plus important qu’il survient après une année durant laquelle aucune utilisation d’armes à sous-munitions n’avait été recensée.

La principale cause de l’augmentation soudaine observée est la guerre en Ukraine, où 916 victimes ont été recensées, les autres ayant été surtout signalées en Syrie et en Birmanie.

L’observatoire note que ce nombre « alarmant » est principalement dû à la Russie, qui a utilisé « à de multiples reprises » des armes à sous-munitions suivant l’invasion de l’Ukraine en février 2022. Le pays n’est pas signataire du traité international entré en vigueur en 2010.

Le Kremlin, qui tend à nier l’utilisation de ces armes malgré l’importance des preuves à ce sujet, maintient qu’elles constituent des munitions « légitimes » qui sont néfastes pour les civils « uniquement lorsqu’elles sont mal utilisées ».

Le régime ukrainien, note le rapport de l’observatoire sans plus de précision, a aussi utilisé des armes de cette nature lors de certaines attaques, « faisant des victimes civiles ».

Obstacles et progrès

Les États-Unis, qui ne sont pas non plus signataires du traité, ont suscité la polémique durant l’été en annonçant leur décision de transférer des armes à sous-munitions tirées de leur arsenal aux forces ukrainiennes.

L’administration du président Joe Biden a indiqué qu’environ 2 % des sous-munitions étaient susceptibles de ne pas exploser en touchant le sol, une estimation optimiste au dire de l’observatoire, qui évoque plutôt un taux situé entre 6 et 14 % pour le modèle choisi.

La dernière entreprise américaine fabriquant des armes de cette nature a arrêté d’en produire en 2016, mais le département de la Défense travaille au développement de nouveaux engins explosifs susceptibles d’être couverts par le traité.

Le plus grand obstacle aux efforts des États qui tentent de faire disparaître les armes à sous-munitions est l’action de pays qui refusent de se joindre au traité et qui minent ses principes en continuant d’utiliser des armes à sous-munitions ou d’en fournir à d’autres pays.

Mary Wareham, responsable du dossier au sein de Human Rights Watch

Les 16 pays qui continuent aujourd’hui d’en produire n’ont pas empêché les signataires du traité d’enregistrer des progrès marqués dans l’éradication de leurs arsenaux respectifs.

L’observatoire note que les 112 pays qui ont formellement ratifié le traité à ce jour ont détruit depuis 2008 près de 1,5 million d’armes à sous-munitions et environ 178,5 millions de sous-munitions représentant 99 % des stocks déclarés initialement.

Les efforts se poursuivent parallèlement pour faire disparaître les sous-munitions non explosées présentes dans 26 pays. Un territoire équivalant à près de 100 kilomètres carrés a pu être « décontaminé » en 2022.

L’observatoire a recensé à l’échelle mondiale près de 25 000 personnes ayant été blessées ou tuées par des armes à sous-munitions depuis le milieu des années 1960, une époque où les États-Unis les utilisaient « de manière exhaustive » en Asie du Sud-Est.

Le véritable total pourrait être plus près de 55 000, estime l’organisation, en soulignant que nombre d’évènements ne sont jamais rapportés.