Ils veulent faire économiquement contrepoids à l’Occident. Et ce, malgré leurs tensions politiques. Les représentants des BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud – se réunissent du 22 au 24 août pour leur sommet annuel. En l’absence de Vladimir Poutine, visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale.

Que font les pays des BRICS, au juste ?

L’acronyme initial BRIC a été lancé par un économiste américain, en 2001, pour désigner quatre marchés émergents – le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine – perçus comme de bonnes occasions d’investissements. Quelques années plus tard, ces pays ont décidé de réunir leurs forces officiellement et tiennent un sommet annuel depuis 2009. En 2010, l’Afrique du Sud s’est jointe au groupe. À eux cinq, ils représentent plus de 40 % de la population mondiale et 26 % de l’économie globale.

Leur alliance est avant tout économique, pour réduire la dépendance aux États-Unis et à l’Occident. En 2015, ils ont mis sur pied la Nouvelle Banque de développement, à Shanghai, avec un capital estimé à 100 milliards de dollars. « La banque des BRICS prête de l’argent à des pays, elle concurrence le Fonds monétaire international, la Banque mondiale », explique Serge Granger, professeur à l’Université de Sherbrooke.

Les pays des BRICS tentent de s’affranchir du dollar américain, en utilisant davantage les monnaies locales.

Si des discussions pour une devise commune sont prévues cette année, M. Granger, comme d’autres experts, doute de sa faisabilité.

Quel impact la guerre en Ukraine a-t-elle sur le groupe ?

Le président russe Vladimir Poutine devait participer au sommet. Or, s’il avait mis les pieds en Afrique du Sud, les autorités du pays auraient dû l’arrêter immédiatement, puisqu’il est visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour son implication présumée dans l’enlèvement de milliers d’enfants en Ukraine et leur déportation illégale vers la Russie.

PHOTO MIKHAIL METZEL, TASS, FOURNIE PAR REUTERS

Les présidents sud-africain et russe, Cyril Ramaphosa et Vladimir Poutine, lors d’une rencontre à Saint-Pétersbourg, en juillet dernier

Un casse-tête diplomatique pour l’Afrique du Sud, membre de la CPI. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, devrait s’y rendre et Vladimir Poutine pourrait assister à des échanges en visioconférence.

« À mon avis, le plus grand impact de la guerre en Ukraine sur le BRICS, c’est que cela le fera s’éloigner encore plus de son potentiel pour devenir une institution politique et se concentrer davantage sur son programme économique de base et sa coopération pragmatique », avance Alissa Xinhe Wang, coprésidente du Groupe de recherche BRICS de l’Université de Toronto.

Les gouvernements sud-africain, indien et chinois n’ont jamais officiellement condamné l’invasion russe. Le président brésilien, Luiz Inácio Lula da Silva, a condamné « la violation territoriale de l’Ukraine par la Russie », tout en ajoutant qu’il « ne sert à rien de dire qui a raison, qui s’est trompé ».

La guerre en Ukraine n’est qu’une des nombreuses tensions politiques qui existent à l’intérieur des BRICS.

Alissa Xinhe Wang, coprésidente du Groupe de recherche BRICS de l’Université de Toronto

Est-ce que l’alliance pourrait s’élargir ?

Vingt-trois pays ont frappé à la porte des BRICS, désireux de se joindre à cette alliance. Parmi ceux-ci, on compte l’Iran, l’Éthiopie, l’Arabie saoudite et l’Argentine, selon Reuters.

La question de l’expansion des BRICS et des critères possibles pour entrer dans le club doit être abordée au sommet de Johannesburg.

PHOTO UESLEI MARCELINO, ARCHIVES REUTERS

Vladimir Poutine et Xi Jinping, lors du sommet des BRICS de 2019

L’ouverture est favorisée par la Chine. Mais l’Inde et le Brésil se méfieraient d’un élargissement du groupe.

L’Inde craint notamment que son influence soit diluée, et que la Chine augmente son influence si de nouveaux membres sont ses alliés.

Alissa Xinhe Wang, coprésidente du Groupe de recherche BRICS de l’Université de Toronto

« La Chine a moins la capacité de créer des alliances que les États-Unis, souligne M. Granger. Alors elle cherche des moyens, que ça soit l’Organisation de coopération de Shanghai, ou les BRICS, ou le FOCAC [Forum sur la coopération sino-africaine], pour augmenter sa capacité géopolitique, pour être capable de rivaliser avec la capacité géopolitique des États-Unis. »

Est-ce que les BRICS ont un poids politique ?

L’influence géopolitique se fait à travers la mission fiscale et monétaire des BRICS, mais il reste difficile pour ces cinq pays répartis sur quatre continents, aux régimes et aux intérêts différents, de s’unir politiquement. « La Russie se méfie des Chinois, surtout en Asie centrale, rappelle M. Granger. L’Inde se méfie beaucoup de la Chine. Donc ça ne fait pas des relations de confiance qui permettent d’avoir une mission politique ciblée. »

Des sujets ne sont clairement pas abordés lors des sommets, comme les différends frontaliers entre la Chine et l’Inde.

Mais près de 15 ans après leur premier sommet, Mme Wang voit encore la pertinence d’une telle union, particulièrement si les pays des BRICS laissent de côté les enjeux purement politiques pour se concentrer sur la mission de base de leur alliance : une meilleure collaboration entre les pays émergents.

« Comment mettre en équilibre le développement économique avec les considérations sociales et environnementales ? C’est un sujet important pour tous les pays, et c’est quelque chose sur quoi les pays émergents peuvent vraiment faire une différence, dit-elle. Les changements climatiques sont un autre exemple. Parce que les plus grands pollueurs, comme la Chine, l’Inde et la Russie, sont membres des BRICS, et peuvent vraiment faire une différence. »

Avec Reuters et l’Agence France-Presse