Le timide rapprochement esquissé entre la Chine et les États-Unis lors d’un sommet tenu en début de semaine à Pékin a rapidement fait place à de nouvelles manifestations d’hostilité entre les deux grandes puissances.

Le régime de Xi Jinping a réagi avec colère mercredi à des déclarations musclées du président américain Joe Biden, qui avait qualifié la veille son homologue chinois de « dictateur » lors d’une activité de financement électoral en Californie.

Le politicien a utilisé le terme dans un discours où il relatait que son homologue chinois avait été profondément embarrassé l’hiver dernier par la découverte et la destruction d’un ballon de surveillance survolant le territoire américain parce qu’il n’avait pas été averti de sa présence par ses subordonnés.

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Xi Jinping et Joe Biden lors d'une rencontre en novembre dernier

Une porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois, Mao Ning, a indiqué lors d’une conférence de presse que les propos des États-Unis étaient « complètement absurdes et irresponsables ».

Ils constituent, a-t-elle ajouté, « une provocation politique » qui est contraire à la réalité et contrevient gravement « au protocole diplomatique ainsi qu’à la dignité politique de la Chine ».

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Mao Ning, porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois, a indiqué mercredi que les propos des États-Unis étaient « complètement absurdes et irresponsables ».

Changement de ton par rapport à lundi

Le ton était tout autre lundi à l’issue d’une rencontre très attendue dans la capitale chinoise entre le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, et le président Xi, qui avait notamment pour objet de réduire les tensions entre les deux pays.

Le dirigeant chinois avait déclaré à l’issue de la rencontre que les discussions avaient permis de progresser sur divers sujets non identifiés, une « très bonne chose » à ses yeux.

M. Blinken, qui avait reporté l’hiver dernier sa visite à Pékin en raison de la controverse soulevée par l’affaire du ballon, a assuré que les discussions avaient été « constructives » et « substantielles ».

Il a notamment insisté sur la nécessité pour les deux pays d’établir des lignes de communication directes aux plus hauts échelons, notamment au plan militaire, de manière à pouvoir désamorcer toute crise potentielle.

Le représentant américain a indiqué qu’il avait aussi discuté de plusieurs sujets potentiellement irritants pour Pékin, notamment son appui à la Russie dans le cadre de la guerre en Ukraine, ses tentatives pour imposer son contrôle sur la mer de Chine méridionale et la persécution de groupes minoritaires, dont les Ouïghours au Xinjiang.

« Une sérieuse bourde diplomatique »

Ronald Pruessen, historien à l’Université de Toronto qui suit de près l’évolution des relations entre les deux pays, note que le ton de la sortie du président Biden contredisait de façon « absurde » celui de son secrétaire d’État.

« Il faut voir ça comme une sérieuse bourde diplomatique », relève l’analyste, qui évoque la possibilité que le président ait voulu se montrer ferme devant des partisans démocrates sur son attitude envers Pékin dans un contexte préélectoral chargé.

L’ex-président américain Donald Trump avait adopté une posture hostile envers le régime chinois, en l’attaquant notamment sur son rôle dans la pandémie de COVID-19 et ses pratiques commerciales.

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Antony Blinken et Xi Jinping, lundi, à Pékin

L’administration Biden insiste pour sa part sur la nécessité pour la Chine d’adopter une attitude moins agressive, tant sur le plan national qu’international, en particulier relativement à Taïwan, que Xi Jinping entend réintégrer dans le giron de la Chine.

Le gouvernement chinois dépeint de son côté les États-Unis comme un pays en déclin qui cherche, par le renforcement d’alliances en Asie et la multiplication d’embûches économiques et technologiques, à freiner son ascension.

Relation tendue

M. Pruessen note que les relations tendues entre les deux États continueront sans doute pour longtemps de mener à des flambées soudaines.

Ils se comportent comme des empires rivaux et tendent, comme leurs prédécesseurs dans l’histoire, à vouloir favoriser leur propre progression et leur pouvoir tout en s’inquiétant des ambitions de l’autre, relève l’historien.

Leur relation est rendue encore plus compliquée par le fait que leurs économies sont profondément imbriquées l’une dans l’autre, souligne-t-il.

Aucun des deux ne peut infliger de dommages importants à l’autre sans se faire mal du même coup.

Ronald Pruessen, historien à l’Université de Toronto

Les sorties émotives des dirigeants de part et d’autre témoignent de la situation, note M. Pruessen, qui juge révélateur le fait que le président Biden s’est décrit mardi comme la personne ayant abattu le ballon chinois « alors que ce n’est évidemment pas lui ».

Les manifestations d’hostilité entre les deux pays trouvent un écho au sein de leurs populations respectives.

Un sondage du Pew Research Center paru l’année dernière indique que 90 % des Américains voient la Chine comme un concurrent ou un ennemi. Environ les deux tiers des Chinois sondés disaient avoir une opinion défavorable des États-Unis.