(Genève) Une nouvelle confrontation parmi les pays membres de l’ONU autour des droits LGBTQ+ a pour la première fois empêché vendredi d’adopter le programme de travail et le budget de l’Organisation internationale du travail.

Ces différences de vues sur l’orientation sexuelle et l’identité des genres pourraient potentiellement retarder durablement ou même bloquer l’approbation du budget bi-annuel de 885 millions de dollars de l’OIT, en plein mois des fiertés LGBTQ+.  

Selon les diplomates, interrogés par l’AFP, cette impasse s’inscrit dans un effort plus large et concerté des pays africains et musulmans dans l’ensemble de l’ONU pour supprimer les références à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre.

Les pays membres du comité des finances de la Conférence internationale du travail, l’organe décisionnel de l’OIT, « n’ont pas été en mesure de parvenir à un consensus sur le programme et le budget de l’OIT pour 2024 et 2025 », a révélé vendredi à la presse la porte-parole de l’agence, Rosalind Yarde.  

« Le désaccord concerne le vocabulaire inséré dans la section consacrée à l’égalité des sexes, la non-discrimination et l’inclusion », a-t-elle précisé.  

La formule qui fait débat fait référence à « d’autres groupes de population touchés par la discrimination et l’exclusion, notamment pour des motifs de race, d’orientation sexuelle et d’identité de genre », a expliqué Mme Yarde.

Hostilité déclarée

Le groupe de pays africains et l’Organisation de la coopération islamique « n’ont pas voulu inclure de formulation relative à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre dans le document de programme et budget, en particulier en ce qui concerne le travail du bureau dans leurs pays », a souligné la porte-parole.  

Pourtant, selon plusieurs observateurs, des références similaires avaient été incluses dans les budgets-programmes précédents sans opposition significative.

Mais, cette semaine, les pays africains et musulmans ont proposé un amendement visant à supprimer la mention de groupes vulnérables spécifiques couverts par le mandat de l’OIT pour lutter contre la discrimination.  

D’autres pays ont refusé de céder, notamment des pays européens, mais aussi du continent américain et de la région Asie-Pacifique.

Précédents

Ce qui s’est déroulé vendredi à Genève à l’OIT n’est pas un évènement isolé.

Déjà en juillet de l’année dernière, le défenseur des droits des minorités LGBTQ+ auprès des Nations Unies avait obtenu de justesse le renouvellement de son mandat, malgré la lutte acharnée de l’OCI.

Sa mission, créée en 2016, avait finalement été renouvelée pour trois ans supplémentaires par le Conseil des droits de l’Homme.

Plus tôt dans l’année en mai, l’Assemblée mondiale de la santé – organe suprême de décision de l’OMS – avait connu un scénario similaire, lors duquel les pays musulmans et africains avaient déjà très publiquement fait part de leur refus d’évoquer les questions d’orientation sexuelle et de genre lors de l’adoption de la stratégie de l’OMS dans la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles.  

Un groupe de pays africains et du Golfe, menés par l’Arabie saoudite, le Nigeria et l’Égypte, refusait notamment l’utilisation des termes « orientation sexuelle », « transgenre » et « hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. »

Suite à l’OIT

La commission des finances de l’OIT doit continuer à négocier, mais si elle ne parvient pas à un accord, la question sera renvoyée à la plénière de la Conférence internationale du Travail lundi.  

La question échapperait donc aux seuls gouvernements, l’OIT étant la seule agence de l’ONU qui fonctionne sous un système tripartite : États, représentants des salariés et représentants des employeurs.

La plénière pourrait alors soit être invitée à voter sur le texte non amendé, soit un groupe de pays pourrait présenter une nouvelle résolution qui serait mise aux voix. Ce scénario ne s’est jamais produit et on ne sait pas ce qui pourrait arriver si un tel vote n’obtenait pas la majorité requise des deux tiers.