(Pékin) Pékin a dénoncé jeudi les « attaques injustifiées » des États-Unis contre TikTok, après un ultimatum de l’administration Biden exhortant la maison-mère chinoise de l’application à s’en séparer, sous peine d’interdiction sur le sol américain.

Emboîtant le pas à plusieurs puissances occidentales – États-Unis, Canada et Union européenne – le Royaume-Uni a interdit à son tour l’application sur les appareils gouvernementaux.

Dans cette bataille où Washington invoque des raisons de sécurité nationale pour s’en prendre à la plateforme de vidéos courtes, très populaire auprès des jeunes, Pékin a mis au défi la première puissance mondiale de « fournir des preuves » de ses allégations.

D’après le Wall Street Journal et d’autres quotidiens américains, la Maison-Blanche a posé un ultimatum : si TikTok reste dans le giron de ByteDance, sa maison-mère basée en Chine, elle sera interdite aux États-Unis.

TikTok a confirmé à l’AFP que le gouvernement américain avait effectivement recommandé la cession de l’application par son propriétaire.

Sur fond d’intense rivalité Pékin-Washington sur le commerce et les nouvelles technologies, de nombreux élus et dirigeants américains affirment que l’application constitue une menace pour la sécurité nationale.

TikTok est accusée par ses détracteurs de donner accès aux autorités chinoises à des données d’utilisateurs du monde entier, ce que l’application dément fermement.

« Les États-Unis devraient cesser de diffuser de fausses informations sur les questions de sécurité des données, cesser les attaques injustifiées [contre TikTok] et fournir un environnement commercial ouvert, équitable, juste et non discriminatoire » aux entreprises étrangères, a déclaré jeudi Wang Wenbin, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

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Wang Wenbin, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères

Washington « n’a jusqu’à présent pas fourni de preuves que TikTok menace la sécurité nationale des États-Unis », a-t-il souligné à Pékin, lors d’une conférence de presse régulière.

Le Royaume-Uni aussi

La Maison-Blanche a déjà interdit aux fonctionnaires des institutions fédérales d’avoir l’application sur leurs téléphones intelligents, en vertu d’une loi ratifiée début janvier.

TikTok stocke les données des utilisateurs américains sur des serveurs situés aux États-Unis. L’application a admis que des employés basés en Chine y avaient accès, mais dans un cadre strict et limité, et pas le gouvernement chinois.

« Si l’objectif est de protéger la sécurité nationale, une cession ne résout pas le problème : [le fait que l’application] change de propriétaire ne signifiera pas l’imposition de nouvelles restrictions sur la circulation des données ou l’accès à celles-ci », a réagi une porte-parole de TikTok, contactée par l’AFP.

« La meilleure façon de répondre aux inquiétudes concernant la sécurité nationale, c’est d’utiliser les systèmes américains de protection des données des utilisateurs du pays, avec un contrôle solide et des vérifications par des tiers, ce que nous sommes déjà en train de mettre en place », a-t-elle ajouté.

La Commission européenne et le gouvernement canadien ont également récemment banni l’application sur les appareils professionnels de leurs fonctionnaires.

À Londres, le ministre d’État Oliver Dowden a annoncé jeudi une mesure similaire avec « effet immédiat » par « précaution ».

« Étant donné le risque particulier autour des appareils du gouvernement, qui peuvent contenir des informations sensibles, il est prudent et proportionné de restreindre l’utilisation de certaines applications », a-t-il déclaré devant les députés britanniques.

TikTok s’est dit « déçu » de la décision britannique, ajoutant avoir « commencé à mettre en œuvre un plan global pour protéger davantage nos données d’utilisateurs européens, qui comprend le stockage des données des utilisateurs britanniques dans nos centres de données européens », selon une déclaration transmise à l’AFP.

Devant YouTube

Le président chinois Xi Jinping avait condamné il y a quelques jours la « politique d’endiguement, d’encerclement et de répression contre la Chine » mise en place par « des pays occidentaux menés par les États-Unis ».

Des propos tenus sur fond d’attaques américaines contre les fleurons chinois des technologies comme l’équipementier télécoms Huawei. Les États-Unis imposent également des restrictions aux exportations de semi-conducteurs vers les entreprises chinoises.

La popularité de TikTok a explosé à la faveur de la pandémie de COVID-19, bien au-delà des adolescents. L’application compte plus de 100 millions d’utilisateurs aux États-Unis.  

Elle a dépassé ces dernières années YouTube, Twitter, Instagram et Facebook en « temps passé » par les adultes américains sur chaque plateforme, et talonne désormais Netflix, d’après le cabinet Insider Intelligence.

La puissante association américaine de défense des droits civiques ACLU s’est opposée aux projets de loi contre l’application, au nom de la liberté d’expression.