La France, l’Allemagne, l’Italie et la Roumanie affichent officiellement leur soutien à Kyiv dans le processus d’adhésion à l’Union européenne

Ils se mobilisent depuis le début de la guerre en Ukraine, mais n’y avaient pas encore mis les pieds. C’est désormais chose faite.

Au terme d’un voyage en train de plus de 10 heures, le président français Emmanuel Macron, le chancelier allemand Olaf Scholz et le chef du gouvernement italien Mario Draghi sont arrivés à Kyiv jeudi, où ils ont été rejoints par le président roumain Klaus Iohannis.

Après être allés constater la « barbarie » de l’invasion russe dans la ville martyre d’Irpin (en banlieue de Kyiv), les quatre dirigeants ont profité de cette visite inédite pour afficher leur appui à l’Ukraine dans son processus d’adhésion à l’Union européenne (UE). Un signal fort et sans équivoque, bien que l’UE soit encore divisée sur la question.

Photo LUDOVIC MARIN, Agence France-Presse

Les quatre dirigeants européens ont visité la ville d’Irpin, en banlieue de Kyiv, jeudi.

« Tous les quatre, nous soutenons le statut de candidat immédiat à l’adhésion », a déclaré Emmmanuel Macron à l’issue d’une rencontre avec le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, qui avait fait une demande urgente en ce sens, quelques jours à peine après le début du conflit.

Cette démonstration d’unité n’est pas un hasard. Elle intervient à la veille d’une recommandation de la Commission européenne sur l’opportunité – ou pas – d’accorder à l’Ukraine le statut de pays candidat à l’adhésion à l’UE, en même temps que la Moldavie, où se trouvait d’ailleurs Emmanuel Macron mercredi.

Lever l’« ambiguïté »

Scholz et Macron ont aussi saisi l’occasion pour réaffirmer leur solidarité avec Kyiv, après quelques imprudences qui auraient pu brouiller le message.

Photo SERGEI SUPINSKY, Agence France-Presse

Volodymyr Zelensky, Emmanuel Macron et Olaf Scholz

Critiqué pour ses atermoiements et la lenteur des livraisons d’armes lourdes promises par l’Allemagne, le premier a réitéré l’appui de son pays à la défense ukrainienne et assuré qu’il livrerait des armes « aussi longtemps que l’Ukraine en aura besoin », au moment même où l’armée russe accentue ses attaques dans le Donbass, progressant lentement mais sûrement.

Le second s’est pour sa part défendu de toute « ambiguïté » dans son soutien à l’Ukraine après avoir déclaré il y a quelques semaines qu’il ne fallait pas « humilier » la Russie, propos très mal reçus à Kyiv.

« Il faut que l’Ukraine puisse résister et l’emporter […] La France est aux côtés de l’Ukraine depuis le premier jour », a déclaré Emmanuel Macron, qui doit revenir en France pour le second tour des élections législatives prévu dimanche, où sa majorité est menacée par la NUPES, coalition de gauche menée par Jean-Luc Mélenchon.

Un long processus avant l’adhésion

Après cette visite de poids à Kyiv, on s’attend que la Commission européenne donne son feu vert à l’octroi d’une candidature pour l’Ukraine. Mais cela ne veut pas dire que son entrée dans l’UE aura lieu demain matin, explique Christian Lequesne, spécialiste des questions européennes à Science Po Paris. Au contraire.

L’Ukraine dans l’UE, c’est donc pour bientôt ?

Bientôt, c’est impossible. Car c’est un long processus. La procédure d’adhésion prévoit qu’il y ait d’abord un avis de la Commission européenne. Puis que les États membres doivent se prononcer sur cet avis. Ensuite, on doit voter formellement l’ouverture de négociations d’adhésion. Ces négociations durent souvent plusieurs années et doivent être acceptées à l’unanimité. Après, elles doivent recueillir l’avis conforme du Parlement européen et, enfin, elles doivent être ratifiées par l’État candidat et par chacun des 27 États membres de l’Union européenne, selon les règles constitutionnelles nationales, soit par voie de référendum, soit par voie parlementaire.

Que se passera-t-il concrètement si les 27 pays membres de l’UE valident la semaine prochaine (23 et 24 juin) le « oui » de la Commission, prévu ce vendredi ?

C’est ce qui ouvre officiellement le processus. Ça met l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie dans la même « antichambre » que les pays qui sont candidats depuis plusieurs années et qui attendent toujours leur adhésion : Turquie, Serbie, Macédoine, Albanie, Monténégro… L’idée, c’est de donner une perspective politique à l’Ukraine. Et c’est ce que les Ukrainiens souhaitent. Mais il n’y a aucune garantie que ça aboutisse. Il faut d’abord reconstruire le pays et remplir les critères.

De quels critères parle-t-on ?

Il faut que la législation nationale des pays candidats soit conforme aux acquis de l’UE. Il y a un certain nombre de règles concernant l’État de droit, le respect des minorités, le respect du principe de l’opposition. Ce sont aussi des critères économiques concernant la concurrence, l’économie de marché. Il faut en outre que l’UE ait la capacité d’accueillir ces nouveaux membres. Tout cela se fait dans les négociations chapitre par chapitre, avec screening régulier et rapports de la Commission, et cela prend du temps. Prenez l’Espagne. Sa demande d’adhésion date de 1977, son entrée formelle date de 1986. Il a fallu neuf ans !

Avec l’Agence France-Presse