(Genève) La Haute-commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Michelle Bachelet, a annoncé lundi qu’elle ne briguerait pas de second mandat à son poste, très exposé, pour passer du temps avec sa famille et dans son pays, le Chili.

Deux des plus grandes organisations de défense des droits de l’homme, Amnistie internationale et Human Rights Watch (HRW), en ont profité pour réitérer leurs sévères critiques pour son attitude envers la Chine.   

La Haute-commissaire a créé la surprise dès l’ouverture de la 50e session du Conseil des droits de l’homme.  

« Alors que mon mandat de Haute-commissaire arrive à son terme, cette cinquantième session du Conseil sera la dernière à laquelle je m’exprimerai », a lancé l’ancienne présidente du Chili, âgée de 70 ans.

Le secret avait été bien gardé. Mme Bachelet a informé son « patron » Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, de sa décision il y a deux mois.  

« Il voulait que je reste mais […] je ne suis plus une jeune femme et après une longue et riche carrière, je veux retourner dans mon pays, dans ma famille », a-t-elle expliqué lors d’un point de presse.

M. Guterres a salué Mme Bachelet, qui « vit et respire les droits de l’homme » et qui a « fait avancer les choses dans un contexte politique extrêmement difficile. »

Première femme présidente du Chili et victime de la torture, Mme Bachelet avait été nommée en 2018 Haute-commissaire, poste où elle a recherché le dialogue.

« Continuez à chercher le dialogue », a-t-elle lancé au Conseil, avant d’insister : « Soyez prêts à écouter l’autre, à comprendre les points de vues respectifs et à travailler activement à trouver un terrain d’entente. »

Épine chinoise

L’ancienne présidente a été sévèrement critiquée ces derniers mois par les États-Unis mais aussi d’importantes ONG, qui lui reprochent un manque de fermeté face aux violations des droits de l’Homme en Chine.

« Il reste seulement deux mois et demi à Michelle Bachelet pour redresser ses manquements sur la Chine », a souligné Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnistie dans un communiqué, appelant la Haute-commissaire « à finir son mandat avec le courage et l’adhésion aux principes exigés par ce poste ».

Mme Bachelet a promis que le rapport de l’ONU sur les violations des droits de l’homme au Xinjiang — où vivent les Ouïghours persécutés par Pékin — réclamé à cor et à cri par de nombreux pays et des ONG — y compris lundi par Amnistie et HRW — serait publié avant son départ le 31 août.

Elle a indiqué qu’elle le partagerait d’abord avec les autorités chinoises, comme le veut la tradition.  

Détention et torture

Née le 29 septembre 1951 à Santiago, Michelle Bachelet a passé son enfance à sillonner le Chili au gré des mutations de son père, pilote de l’armée de l’air.  

Le 11 septembre 1973, date du coup d’État d’Augusto Pinochet, son père est arrêté. Il mourra six mois plus tard en détention, torturé par ses pairs — une mort prématurée qui marquera sa fille à jamais.

En janvier 1975, alors jeune militante socialiste, elle est arrêtée avec sa mère par les services secrets. Les deux femmes sont torturées.

Mme Bachelet sera ensuite deux fois présidente du Chili.

Après un premier mandat (2006-2010) achevé avec une popularité record, elle en fera un second (2014-2018) avant de prendre son poste à Genève.

Au suivant

Le Haut-commissaire aux droits de l’Homme est généralement soumis à de fortes pressions politiques et le poste est souvent décrit comme le plus difficile de tous ceux de l’ONU. Presque tous les prédécesseurs de Mme Bachelet ont évité de faire un second mandat.

Il revient donc désormais à Antonio Guterres de nommer un successeur à Mme Bachelet.

Agnès Callamard a d’emblée pesé dans le débat en appelant M. Guterres « à s’assurer que la nomination du prochain Haut-commissaire se fasse de façon ouverte et transparente, sur la base de critères clairs ».

« Ce poste important demande une personne qui a des principes et qui est indépendant, et qui a démontré son profond engagement en faveur des droits de l’homme », a-t-elle insisté.

L’exemple de Mme Bachelet démontre aux yeux de Kenneth Roth, le directeur exécutif de HRW, « l’importance de nommer un successeur qui est à l’aise avec l’outil le plus efficace de ce poste pour améliorer les droits de l’homme : la volonté de critiquer y compris les plus puissants parmi ceux qui violent les droits de l’homme ».