(Genève) Il n’aura fallu que cinq semaines de guerre pour pousser plus de 4 millions d’Ukrainiens à fuir leur pays envahi et pilonné par la Russie. Un flot de réfugiés comme l’Europe n’en pas connu depuis la Seconde Guerre mondiale.

« Le nombre de réfugiés d’Ukraine a maintenant atteint 4 millions, 5 semaines après le début de l’attaque russe », a tweeté Filippo Grandi, le patron du HCR, qui vient d’arriver en Ukraine.

Le site internet dédié du Haut Commissariat aux réfugiés affichait mercredi matin 4 019 287. Il comptabilise les Ukrainiens qui ont quitté le pays depuis les premiers jours du conflit déclenché par le président russe Vladimir Poutine le 24 février.

Ce nombre, malgré son ampleur, n’est qu’un pâle reflet de la réalité de ces gens qui ont dû fuir souvent avec de maigres bagages faits à la hâte, pour se diriger vers les pays limitrophes en voiture, en train ou parfois à pied.

Ce nombre ne reflète pas non plus l’immense élan de solidarité dont ont fait preuve les Européens, populations et autorités confondues, envers ces réfugiés ukrainiens.

Pour autant, ces réfugiés - à 90 % des femmes et des enfants-restent menacés. « Je demande aux pays d’accueil d’apporter une protection toute particulière aux femmes et aux enfants, qui sont menacés par le trafic humain, y compris l’exploitation sexuelle et au travail », a mis en garde Michelle Bachelet, la Haute Commissaire aux droits de l’homme mercredi.

Au total, plus de dix millions de personnes, soit plus d’un quart de la population, ont dû quitter leur foyer en traversant la frontière ou en trouvant refuge ailleurs en Ukraine.

L’ONU estime à presque 6,5 millions le nombre de déplacés à l’intérieur de l’Ukraine.

Pologne, terre d’accueil

Le nombre de réfugiés dépasse donc désormais la projection initiale faite par le HCR au début de la guerre même si, depuis le 22 mars, le flux s’est nettement ralenti, aux alentours de 40 000 par jour.

La Pologne accueille à elle seule plus de 2,3 millions de ces personnes.  

Outre une communauté ukrainienne déjà forte de 1,5 million de personnes et bien installée dans le pays, la Pologne est aussi attractive pour un grand nombre de réfugiés parce qu’elle s’est montrée très généreuse dans son accueil et surtout elle est assez proche de l’Ukraine pour pouvoir rentrer rapidement au pays.

Ainsi, les autorités polonaises estimaient qu’entre le début des hostilités et le 29 mars, 364 000 personnes ont franchi la frontière avec la Pologne dans l’autre sens.  

Ces retours peuvent concerner des personnes qui travaillent en Pologne, mais décident de rentrer pour s’occuper de vieux parents par exemple, et ceux qui n’y vont que pour chercher leurs proches et retourner immédiatement avec eux.  

Enfin, il y a des réfugiés qui décident de rentrer par mal du pays ou pour éviter que quelqu’un occupe leur logement.

Plateforme de solidarité

Pour éviter d’épuiser les bonnes volontés, « il est important d’encourager les réfugiés à quitter la Pologne et à essayer d’aller aussi vers d’autres États membres, sinon la situation ne sera pas tenable », a averti lundi la commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, soulignant que la plupart des réfugiés veulent rester là même si les réfugiés ukrainiens peuvent prétendre aux mêmes droits ailleurs dans l’Union européenne.

Les pays membres se servent d’une plateforme de solidarité, sur laquelle ils présentent leurs capacités d’accueil sur la base du volontariat pour soulager les pays limitrophes débordés, comme la Moldavie par exemple.

Les personnes fuyant l’Ukraine peuvent bénéficier depuis début mars dans l’UE d’une protection temporaire pouvant aller jusqu’à trois ans qui leur permet l’accès au logement, au marché du travail, au système scolaire, au système social et de santé, en vertu d’une directive de 2001 utilisée pour la première fois.

Quelque 800 000 personnes ont demandé ce statut. Les Ukrainiens peuvent demeurer trois mois sans visa dans l’espace Schengen.

Pour autant, les personnes ayant fui l’Ukraine, mais qui ne sont pas ukrainiennes ou européennes ne sont pas toujours traitées avec la même sollicitude, poussant Mme Bachelet à insister : « Il est essentiel que l’on accueille tous ceux qui ont fui sans discrimination ».

Cette mobilisation contraste aussi avec l’accueil réservé à des réfugiés venus d’autres continents, comme ceux l’Afghanistan ou la Syrie.