Bien que les deux pays aient connu des trajectoires radicalement différentes relativement à l’épidémie de COVID-19, la Russie et la Chine se rejoignent aujourd’hui dans la confiance qu’elles affichent pour la suite des choses.

À Moscou, le régime autoritaire du président Vladimir Poutine se pose en protecteur de la population et assure que la situation est « maîtrisée » malgré le risque qui prévaut.

Selon l’Agence France-Presse, l’homme fort russe s’est félicité mardi d’avoir agi tôt dans la crise pour bloquer des frontières stratégiques, notamment avec son voisin chinois, et interdire l’entrée au pays de ressortissants des pays les plus touchés.

Ces mesures, a-t-il assuré, ont permis « d’éviter l’arrivée massive de la maladie dans le pays », qui comptait officiellement moins de 200 cas mardi.

Tout en vantant son bilan, le régime russe a continué cette semaine de renforcer les mesures de contrôle en annonçant notamment que tous les ressortissants étrangers seraient interdits de séjour jusqu’au 1er mai.

Isolement ou prison

Les citoyens revenant de pays très touchés doivent s’isoler pendant deux semaines. Ceux qui s’y refusent s’exposent à cinq ans de prison.

Moscou, où sont concentrés pour l’heure la plupart des cas, a décidé par ailleurs de fermer les écoles jusqu’à nouvel ordre et a demandé aux résidants de restreindre leurs activités extérieures au strict minimum.

Nous devons tout faire pour que la situation ne se développe pas selon le même scénario que dans les autres pays.

Mikhaïl Michoustine, premier ministre de la Russie, évoquant la possibilité de mesures additionnelles

Robert Austin, politologue rattaché au Centre des études est-européennes, russes et eurasiennes de l’Université de Toronto, pense que les affirmations du régime russe sur le faible nombre de cas dans le pays doivent être accueillies avec un « scepticisme total ».

Le système de santé du pays est « complètement moribond » et ne semble guère adapté, selon lui, à la conduite d’une campagne de dépistage efficace et complexe que bien des pays occidentaux mieux nantis peinent à réaliser.

PHOTO MIKHAIL KLIMENTYEV, SPUTNIK/REUTERS

Le président de la Russie, Vladimir Poutine

Vladimir Poutine a le mérite, note M. Austin, d’avoir agi rapidement pour fermer des frontières, mais il s’est d’abord livré, ce faisant, à un exercice politique dans un pays qui a une « longue tradition de blâmer les étrangers » pour ses difficultés.

Il est probable, dit le professeur, que le chef d’État cherchera à profiter de la situation de crise pour faire avancer son propre ordre du jour et affaiblir l’opposition.

Le président veut faire adopter par référendum, à la fin d’avril, une réforme constitutionnelle qui lui donnera la possibilité de demeurer au pouvoir jusqu’en 2036, et il a notamment évoqué « l’instabilité » suscitée par la crise sanitaire pour plaider pour son maintien à la tête du pays.

Marquer des points

En Chine, le régime communiste du président Xi Jinping paraît aussi déterminé aujourd’hui à brandir sa gestion de la crise pour marquer des points sur le plan politique après des mois difficiles.

Après avoir tenté d’étouffer la nouvelle de l’apparition d’un nouveau virus à Wuhan pendant près d’un mois, les autorités ont viré capot à la mi-janvier et ont engagé un effort tous azimuts pour freiner sa progression, plaçant en stricte quarantaine des dizaines de millions de personnes.

Plus de 70 000 cas de contamination et 3000 morts ont été officiellement recensés avant que la situation ne se stabilise dans les dernières semaines.

Les autorités disent aujourd’hui que les nouveaux cas se comptent quotidiennement par dizaines plutôt que par milliers et sont attribuables à des voyageurs revenant de l’étranger, justifiant la mise sur pied d’hôtels de quarantaine.

PHOTO XIE HUANCHI, XINHUA/AGENCE FRANCE-PRESSE

Xi Jinping est de retour à l’avant-plan et s’est rendu récemment à Wuhan pour souligner l’évolution positive de la situation.

Xi Jinping, qui s’était fait discret dans les médias du pays alors que la crise s’emballait, est de retour à l’avant-plan et s’est rendu récemment à Wuhan pour souligner l’évolution positive de la situation.

Le régime se pose maintenant en guide pour venir en aide aux pays les plus touchés et a envoyé des kits de test à l’Italie et à la Grande-Bretagne.

Il hausse parallèlement le ton avec l’administration américaine en fustigeant notamment le fait que le président Donald Trump parle du « virus chinois » plutôt que d’utiliser le nom neutre préconisé par l’Organisation mondiale de la santé.

Le Global Times, un journal de propagande proche du régime, se félicitait mardi du fait que la Chine sera le premier pays à émerger de la crise sanitaire, ce qui lui permettra de contrer efficacement toute pression économique venant des États-Unis.