De son Afrique natale à l'Amérique, les grands dirigeants rendaient hommage samedi à l'ancien secrétaire général de l'ONU et prix Nobel de la paix Kofi Annan, décédé en Suisse à l'âge de 80 ans, après avoir été au centre la diplomatie mondiale pendant une décennie troublée.

Kofi Annan est «décédé paisiblement samedi 18 août après une courte maladie», a annoncé «avec une immense tristesse» sa fondation dans un communiqué de Genève, indiquant que son épouse et ses enfants étaient à ses côtés pour ses derniers jours en Suisse où il vivait.

Les hommages ont afflué, du Ghana, son pays natal, à l'actuel secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, qui a souligné «une force qui guidait vers le bien», en passant par l'ex-président américain Barack Obama et les grands dirigeants européens.

«Kofi Annan a voué sa vie à faire du monde un endroit plus pacifique», a soutenu l'ambassadrice américaine à l'ONU, Nikki Haley, louant un diplomate ayant «oeuvré inlassablement pour nous unir».

Barack Obama a salué «son intégrité, sa détermination, son optimisme et son sens de notre humanité partagée» et souligné qu'il avait contribué à «motiver et inspirer» la «prochaine génération de leaders».

«Nous n'oublierons jamais son regard calme et résolu, ni la force de ses combats», a tweeté le président français Emmnuel Macron, alors que son homologue russe Vladimir Poutine a déclaré avoir «sincèrement admiré la sagesse et le courage» du diplomate.

La première ministre britannique Theresa May a rendu hommage à «un grand leader et réformateur de l'ONU» tandis qu'Amnistie internationale a salué «un champion de la justice, de la paix et de la dignité».

La chancelière allemande Angela Merkel a, elle, insisté sur la «voix de Kofi Annan» qui «va beaucoup nous manquer à une époque où la recherche en commun de solutions aux problèmes mondiaux est plus urgente que jamais».

«Fils éminent de l'Afrique»

Kofi Annan fut le premier secrétaire général issu de l'Afrique subsaharienne et le Ghana, où il était né, a décrété une semaine de deuil à partir de lundi.

«Il a considérablement contribué au renom de notre pays par sa position, par sa conduite et son comportement dans le monde», a déclaré le président ghanéen Nana Akufo-Addo.

En Afrique du Sud, le parti au pouvoir, l'ANC, s'est souvenu d'un «fils éminent de l'Afrique» qui a oeuvré «en faveur (des pays) du Sud en développement».

Un autre prix Nobel de la paix, l'archevêque anglican sud-africain Desmond Tutu a de son côté évoqué «un remarquable être humain qui a représenté notre continent et le monde avec une immense grâce, intégrité et distinction».

La Ligue arabe, basée au Caire, a aussi rendu hommage à Kofi Annan tandis que le ministère égyptien des Affaires étrangères l'a qualifié d'«icône et source de fierté pour tous les Africains et les amoureux de la paix».

Bilan terni

Diplomate de carrière, Kofi Annan a contribué à rendre l'ONU plus présente sur la scène internationale pendant ses deux mandats, de 1997 à 2007.

Il a dirigé l'organisation pendant la période troublée de la guerre en Irak, avant de voir son bilan terni par des accusations de corruption dans l'affaire «pétrole contre nourriture».

À son départ, il était cependant un des dirigeants de l'ONU les plus populaires. Conjointement avec l'organisation, il a reçu en 2001 le Prix Nobel de la Paix pour ses «efforts en faveur d'un monde mieux organisé et plus pacifique».

«J'ai essayé de placer l'être humain au centre de tout ce que nous entreprenons: de la prévention des conflits au développement et aux droits de l'Homme», avait-il déclaré en acceptant le Nobel.

Kofi annan avait d'abord dirigé les ressources humaines de l'ONU, puis les affaires budgétaires, avant de chapeauter à partir de 1993 le maintien de la paix et d'être propulsé quatre ans plus tard à la tête de l'organisation.

Lorsqu'il dirigeait le département de maintien de la paix, l'ONU a connu deux des épisodes les plus sombres de son histoire: le génocide rwandais et la guerre en Bosnie.

Les Casques bleus se sont retirés en 1994 du Rwanda en proie au chaos et aux violences ethniques. Et un an plus tard, l'ONU n'a pas su empêcher les forces serbes de massacrer plusieurs milliers de musulmans à Srebrenica, en Bosnie.

«Rock-star de la diplomatie»

Kofi Annan s'était vite adapté à son nouveau rôle, multipliant les apparitions à la télévision et les participations aux dîners mondains à New York. Jusqu'à devenir une vedette, qualifié par certains de «rock star de la diplomatie».

Il avait irrité Washington en estimant «illégale» l'invasion de l'Irak en 2003, qui n'avait pas été entérinée par le Conseil de sécurité.

Né en avril 1938 à Kumasi, au Ghana, fils d'un cadre d'une filiale du groupe anglo-hollandais Unilever, Kofi Annan avait étudié à l'université de Kumasi, puis grâce à une bourse, dans une université américaine, avant d'entrer à l'Institut des hautes études internationales de Genève.

En février 2012, il est choisi par l'ONU et la Ligue arabe pour mener une médiation dans la guerre en Syrie, mais il jette l'éponge cinq mois plus tard. Il accusera les grandes puissances d'avoir par leurs dissensions transformé sa médiation en «mission impossible».

Photo Rick Wilking, archives REUTERS

Kofi Annan et l'ex-président américain Bill Clinton, en janvier 1997

PHOTO ARCHIVES STRINGER/AGENCE FRANCE-PRESSE

Nelson Mandela et Kofi Annan, en juillet 2007

Kofi Annan en dix dates

PARIS - Voici les grandes dates de Kofi Annan, ancien secrétaire général de l'ONU (1997-2006) et prix Nobel de la paix, décédé samedi à l'âge de 80 ans.

- 8 avril 1938 : naissance à Kumasi au Ghana, dans une famille aristocratique de la tribu des Fante.

- 1962 : après des études d'économie à Genève, il entre à l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Il travaillera ensuite dans diverses agences de l'ONU, et notamment au Haut-Commissariat des Nations unies aux Réfugiés (HCR).

- 1972 : obtient une maîtrise du Massachusetts Institute of technology (MIT).

- 1993-96 : secrétaire général-adjoint aux opérations de maintien de la paix de l'ONU, pendant le génocide au Rwanda et la guerre en Bosnie.

- 1er janvier 1997 : devient secrétaire général de l'ONU, le premier issu des rangs de l'organisation et de l'Afrique subsaharienne. Il sera réélu pour un second mandat de cinq ans en juin 2001.

- 12 octobre 2001 : obtient conjointement avec l'ONU le prix Nobel de la Paix.

- 2005 : éclaboussé par un scandale de corruption lié au programme « pétrole contre nourriture » en Irak.

- 2007 : rejoint les « Elders » (les Anciens), un groupe de personnalités internationales oeuvrant pour le règlement des conflits dans le monde, initié par Nelson Mandela. Crée la Fondation Kofi Annan.

- février 2012 : choisi par l'ONU et la Ligue arabe pour une médiation dans la guerre en Syrie. Il jette l'éponge cinq mois plus tard.

- 18 août 2018 : décès.