Pas question d'annuler l'élection présidentielle du 12 juin en Iran. Pourquoi? Parce que le Conseil des gardiens n'a constaté «aucune fraude ou irrégularité majeure» lors du scrutin, selon le porte-parole de la plus haute instance juridique d'Iran, qui a été cité aujourd'hui par le service en langue anglaise de la télévision d'État.

Il n'y a pas qu'en Occident où cette conclusion sera accueillie avec scepticisme. Je cite la déclaration d'Ali Larijani, président conservateur du parlement iranien, qui s'est pourtant rangé du côté du guide suprême Ali Khamenei et du président Mahmoud Ahmadinejad :

«Une majorité de gens sont d'avis que les résultats réels de l'élection sont différents de ceux qui ont été annoncés.»

Le Conseil des guides auraient pu combattre ce scepticisme en répondant à ces questions, qui se trouvent dans l'article du New York Times d'où j'ai tiré la citation de Larijani :

«Comment le gouvernement est-il parvenu à compter assez de bulletins de vote papier, parmi les 40 millions déposés, pour annoncer les résultats moins de deux heures après la fermeture des bureaux de vote? Comment se fait-il que la marge de victoire de M. Ahmadinejad soit restée constante tout au long du dépouillement? Pourquoi le gouvernement a-t-il ordonné la fermeture des bureaux de vote à 22 h alors que ceux-ci restent souvent ouverts jusqu'à minuit lors des élections présidentielles? Pourquoi certaines boîtes de scrutin ont-elles été scellées avant que les inspecteurs de chaque candidat aient pu s'assurer qu'elles étaient vides? Pourquoi le dépouillement des votes a-t-il été centralisé, par le ministère de l'Intérieur, plutôt que d'être effectué localement, comme par le passé? Pourquoi certains bureaux de scrutin ont-ils fermés leurs portes à 18 h après avoir épuisé leurs bulletins de vote?

À ces questions, il faut ajouter plusieurs invraisemblances, disent les analystes indépendants qui ont étudié les résultats. La marge de victoire d'Ahmadinejad - 63% - n'est notamment plausible que si le président sortant avait remporté la majorité des voix obtenues en 2005 par le candidat réformateur Mehdi Karroubi, qui s'est présenté de nouveau cette année. Cette marge n'est également plausible que si Ahmadinejad avait remporté les suffrages qui sont allés en 2005 à son ennemi juré, l'ex-président Ali Akbar Rafsanjani.

Je cite une déclaration d'Ali Ansari, de l'Université de St. Andrews en Écosse, qui a participé à l'étude du groupe de recherche Chatham House auquel j'ai fait allusion hier dans ce billet :

«Je ne pense pas qu'ils aient vraiment compté les votes, même si c'est difficile à prouver.»

Qu'à cela ne tienne : après l'annonce du Conseil des gardiens, la Russie a annoncé qu'elle acceptait les résultats du scrutin iranien. On verra ce qu'en pensera Barack Obama, qui doit tenir une conférence de presse à la Maison-Blanche sous peu.