Le New York Times publie aujourd'hui en première page un long reportage sur les décisions de l'administration Obama qui ont mené à l'assassinat par drones de trois citoyens américains au Yémen, dont l'imam radical Anouar Al-Aulaqi, un des leaders d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique, tué le 30 septembre 2011.

On y a apprend notamment que la fameuse note du ministère de la Justice justifiant apparemment l'assassinat d'Américains à l'étranger - et dont des extraits ont été publiés récemment par NBC - ne s'appliquait en fait qu'au cas de l'imam né au Nouveau-Mexique. Celui-ci avait joué un rôle dans au moins deux complots terroristes, dont celui impliquant Umar Farouk Abdulmutallab, ce jeune Nigérian qui avait tenté, le 25 décembre 2009, de faire exploser un avion de ligne qui s'apprêtait à atterrir à Détroit, et celui de Faisal Shazad, cet Américain d'origine pakistanaise qui avait tenté de faire exploser une voiture piégée à Times Square, le 1er mai 2010.

On y obtient aussi la confirmation que les deux autres Américains assassinés par drones au Yémen l'ont été par erreur. L'un d'eux se trouvait dans le convoi d'Anouar Al-Aulaqi. Il s'agissait de Samir Khan, natif de Caroline-du-Nord et responsable d'un site internet extrémiste. Khan était bien connu de la CIA, mais il ne se trouvait pas sur sa liste d'extrémistes à éliminer. Légalement, les avocats du gouvernement américain estiment que sa mort peut être justifiée comme «dommage collatéral».

Il n'en est pas de même pour la mort d'Abdulrahman Al-Aulaqi, le fils de l'imam radical, tué par erreur le 14 octobre 2011 avec une dizaine d'autres hommes. La CIA pensait éliminer un militant égyptien, Ibrahim Al-Banna, lorsqu'un de ses missiles a frappé un barbecue en plein air à Shabwa. Né à Denver, l'adolescent n'était impliqué dans aucune activité terroriste. Il est mort à 16 ans.

La publication du reportage du Times survient en plein débat aux États-Unis sur la politique d'assassinats ciblés par drones de l'administration Obama. Le sénateur républicain Rand Paul a notamment retenu l'attention avec un filibuster de près de 13 heures au cours duquel il soulevé des questions sur l'utilisation éventuelle de drones aux États-Unis contre des citoyens américains.

Comme on peut le lire dans cet article du magazine Atlantic, Paul n'est peut-être qu'un démagogue malhonnête - il dénature les propos de ses adversaires pour mieux les attaquer -, mais il s'est saisi d'un dossier où l'administration manque dangereusement de transparence.