«Ils ne sont plus seulement des gangs d'enfants. Ils sont souvent le genre d'enfants que l'on appelle "super-prédateurs". Pas de conscience, pas d'empathie. Nous pouvons discuter sur la manière dont ils en sont arrivés là, mais nous devons avant tout les ramener à l'ordre.»

En 1996, Hillary Clinton tenait ces propos au moment où l'administration de son mari durcissait les lois pénales pour juguler la criminalité et la violence dans les grandes villes américaines. Hier soir, une jeune militante noire lui a demandé de s'excuser pour cette déclaration «raciste» ayant contribué selon elle à l'incarcération massive des jeunes Noirs aux États-Unis.

Comme on peut le voir dans la vidéo qui coiffe ce billet, la militante de 23 ans, Ashley Williams a interrompu un discours de Clinton lors d'une réunion privée avec des partisans et donateurs de Caroline-du-Sud, où une primaire démocrate aura lieu samedi. Elle tenait une bannière sur laquelle était écrite un extrait de la citation citée plus haut.

Sur le coup, l'ancienne secrétaire d'État a semblé irritée par l'interruption de la militante, qui a a fait des déclarations au site Huffington Post et au Washington Post avant et après son geste.

«Hillary Clinton a l'habitude de pousser la communauté noire sous le bus quand ça sert ses intérêts politiques», a affirmé Williams dans un communiqué. «Elle a qualifié nos garçons de 'super-prédateurs' en 96, elle exploité le facteur racial contre Obama en 08 et maintenant elle est une militante de longue date des droits civiques. Je veux juste savoir quelle Hillary brigue la présidence, celle de 96, celle de 08 ou la nouvelle Hillary.»

À la suite de cette déclaration, le mot-dièse #WhichHillary est devenu l'un des plus populaires sur Twitter. Et Hillary Clinton a fait son mea-culpa au Washington Post, affirmant qu'elle n'aurait jamais dû tenir ces propos sur les «super-prédateurs».

Ashley Williams n'est pas la seule personne au sein de la communauté afro-américaine à ramener sur le tapis le mot «super-prédateurs» ainsi que l'appui donné par Hillary Clinton aux politiques pénales de son mari. En fait, elle reprend les arguments de l'avocate et auteure de l'essai The New Jim Crow, Michelle Alexander, qui affirmait récemment dans une tribune publiée par l'hebdomadaire de gauche The Nation que la candidate démocrate ne méritait pas le vote des Afro-Américains. Je la cite :

Certains pourraient affirmer qu'il est injuste de juger Hillary Clinton pour les politiques défendues par son époux il y a plusieurs années. Mais Hillary ne s'est pas limitée à choisir la vaisselle lorsqu'elle était Première dame. Elle a courageusement brisé le moule et redéfini le «poste» comme aucune avant elle. Elle n'a pas seulement fait campagne pour Bill; elle a exercé le pouvoir et disposé d'une large influence une fois que son époux a été élu, faisant pression pour l'adoption de lois et d'autres mesures. Ces antécédents, ainsi que ses déclarations de cette époque, devraient être examinés scrupuleusement. Lors de son soutien à la loi sur la criminalité de 1994, par exemple, elle a utilisé une rhétorique codée racialement pour présenter les enfants noirs comme des animaux. «Ils ne sont plus seulement des gangs d'enfants», a-t-elle dit. «Ils sont souvent le genre d'enfants que l'on appelle "super-prédateurs". Pas de conscience, pas d'empathie. Nous pouvons discuter sur la manière dont ils en sont arrivés là, mais nous devons avant tout les mettre au pas.»

À l'évidence, Hillary Clinton ne fait pas l'unanimité chez les Noirs. Elle devrait néanmoins remporter la grande majorité des votes de cette communauté en Caroline-du-Sud samedi et dans les autres États du Sud qui voteront le 1er mars, date du Super mardi. Elle compte non seulement sur l'appui de plusieurs élus afro-américains mais aussi sur un quintette de mères ayant perdu leurs enfants après l'intervention de policiers ou de pseudo-policiers (George Zimmerman, en l'occurrence).

Pour comprendre comment elle a gagné l'appui de ces mères, cet article de l'hebdomadaire Mother Jones est éclairant.