Avez-vous lu ce matin le fil Twitter de Donald Trump? Il n'y est pas question de la Corée du Nord ou de Neil Gorsuch, les deux sujets qui semblent être les plus importants pour l'avenir de la paix mondial et de la justice américaine. Il y est question d'Hillary Clinton, du frère de John Podesta et d'un reportage de Fox News sur «la surveillance électronique de Trump et des gens proches de Trump».

Ce reportage, apprend le président à ses millions d'abonnés, traite aussi de «démasquage».

Démasquage? Le mot revient souvent dans les interventions des alliés de Donald Trump, dont Devin Nunes, président de la commission du Renseignement de la Chambre des représentants. Le 22 mars, Nunes a révélé aux médias que des écoutes ciblant des ressortissants étrangers avaient conduit au «démasquage» de proches de Trump qui étaient mentionnés lors des communications interceptées ou qui étaient les interlocuteurs des personnes sur écoute.

En clair, le démasquage en question signifie qu'un responsable gouvernemental a demandé à un responsable du renseignement à ce que soit révélée l'identité de certains proches de Trump dont les noms étaient mentionnés lors des écoutes ou qui participaient aux communications interceptées. Le démasquage en général n'est pas illégal, il est même parfois vital dans le cadre de certaines enquêtes, mais il peut mener à des abus. Par exemple, le FBI peut partir en expédition de pêche et demander de connaître l'identité d'Américains qui ne sont pas liés à ses enquêtes.

Mais revenons au reportage de Fox News sur la «surveillance» et le «démasquage». Vendredi après-midi, dans le cadre de l'émission Outnumbered, Adam Housely, correspondant de la chaîne à Los Angeles, a affirmé qu'une personne haut placée dans l'administration Obama avait demandé à des responsables du renseignement de «démasquer» l'identité de proches de Trump mentionnés dans des écoutes interceptées.

Housely, un ancien joueur de baseball des ligues mineures, a ajouté que cette personne haut placée avait utilisé les informations glanées à des fins politiques.

Donald Trump a publié des gazouillis ce weekend pour vanter le reportage de Housely, mais aucun autre média n'a repris l'information diffusée par ce journaliste qui n'est pas reconnu pour son expertise en matière de sécurité nationale (il fait plutôt dans le divertissement). Qu'à cela ne tienne, l'émission Fox & Friends a ramené sur le tapis ce matin le reportage de Housely, ce qui a inspiré à Trump d'autres gazouillis louangeurs.

Trump, faut-il préciser, ne s'est pas formalisé des fuites qui ont permis à Housely de réaliser son reportage. Ces fuites viendraient-elles de la Maison-Blanche? Ça serait le comble...

Qu'à cela ne tienne : ce matin, Eli Lake, chroniqueur de Bloomberg spécialisé dans les questions de sécurité nationale, a ajouté un élément à l'histoire de Housely. Se fondant sur deux sources anonymes, il nomme la personne haut placée dans l'administration Obama qui aurait réclamé le fameux démasquage. Il s'agirait de Susan Rice, ex-conseillère à la sécurité nationale de Barack Obama.

Lake souligne que Rice n'a rien fait d'illégal. Il précise en outre que ses informations ne confirment en rien les allégations de Trump sur la «surveillance» de son camp par l'administration Obama. Mais l'histoire de Housely et celle de Lake apportent de l'eau au moulin des républicains et de leurs alliés qui voudraient reléguer au second plan les aspects troublants ou mystérieux de l'affaire russe, affaire qui fait présentement l'objet de trois enquêtes distinctes, une du FBI et deux du Congrès.

Ajout : Plusieurs spécialistes des questions de sécurité nationale doutent que le démasquage demandé par Rice soit une affaire autre que routinière de la part d'une personne occupant sa fonction, comme on peut le lire ici, ici et ici. Même David French de l'hebdo conservateur National Review ne voit rien de scandaleux pour le moment.