Les médias américains ont fait un grand plat hier de l'échange entre Stephen Miller, conseiller de la Maison-Blanche, et Jim Acosta, journaliste de CNN, à propos du soutien apporté par Donald Trump à un projet de loi visant à réduire drastiquement le nombre d'immigrés peu qualifiés aux États-Unis et à baser l'attribution du permis de résidence au mérite. Miller est devenu un héros de la droite nationaliste après avoir ni plus ni moins déclaré à Acosta que les États-Unis ne pouvaient pas fonder en 2017 leur politique en matière d'immigration sur le poème d'Emma Lezarus inscrit sur le socle de la Statue de la Liberté qui proclame d'emblée «Donnez-moi vos pauvres, vos exténués,/Qui en rangs serrés aspirent à vivres libres».

Mais sur quelles valeurs ou sur quels principes les États-Unis doivent-ils s'appuyer pour fonder cette politique? Miller a offert cette explication, qui a mené à une confrontation révélatrice avec Glenn Trush, journaliste du New York Times :

«Vous avez vu, au fil du temps en raison de cette vague historique d'immigrés peu qualifiés, un transfert de la richesse de la classe ouvrière aux entreprises et aux sociétés les plus riches, et c'est très injuste à l'égard des travailleurs, et notamment des travailleurs immigrés, afro-américains et hispaniques, et des cols bleus en général dans l'ensemble du pays.»

Comme le souligne Philip Bum dans cet article, Thrush a demandé à Miller de citer une étude appuyant ses dires. Miller a évoqué une étude portant sur la forte vague de réfugiés cubains en Floride en 1980. Thrush a fait valoir que d'autres études avaient soit contredit l'étude en question ou qualifié de modeste ou nul l'effet de l'immigration des travailleurs non qualifiés sur la hausse des inégalités économiques aux États-Unis.

Au cours de l'échange, Thrush a notamment fait allusion aux recherches de l'Académie nationale des sciences. Celle-ci a étudié des statistiques sur deux décennies. Sa conclusion: l'effet de l'immigration sur les salaires des travailleurs natifs des États-Unis a été «très faible». L'Académie souligne cependant que «l'immigration a eu un impact globalement positif sur la croissance économique à long terme des États-Unis».

Autrement dit, Miller a employé un argument fallacieux pour justifier le projet de loi. Il n'est sans doute pas inutile de rappeler qu'il est un protégé de Jeff Sessions, un adversaire acharné de l'immigration durant ses années au Sénat.

Le projet de loi parrainé par les sénateurs républicains Tom Cotton d'Arkansas et David Purdue de Georgie vise à réduire de moitié le nombre d'immigrés accueillis annuellement aux États-Unis (environ 1 million) d'ici dix ans. Il diminuerait fortement la capacité des citoyens issus de l'immigration de parrainer des membres de leurs familles et il instaurerait un système de points semblable à celui du Canada prenant en compte les compétences linguistiques, les études et l'expérience, entre autres.

La sortie de Trump et de Miller en faveur de ce plan servira sans doute à exciter la base électorale du président au moment où la cote de ce dernier est à son plus bas, mais elle ne servira qu'à cela. Le sénateur républicain de Caroline-du-Sud Lindsey Graham a tout de suite manifesté son opposition au projet de loi hier en faisant valoir qu'une réduction du nombre d'immigrés aurait un effet dévastateur sur l'économie de son État. Comme d'autres, il fait remarquer que les immigrés peu qualifiés occupent des emplois que les Américains de naissance ne veulent pas. Il n'est pas le seul élu républicain du Sénat à penser ainsi.