En 1966, une forte majorité d'Américains avaient une opinion défavorable de Martin Luther King (63%, pour être plus précis, selon un sondage Gallup). Leurs élus à la Maison-Blanche et au Congrès venaient pourtant à peine de couronner la campagne menée par le pasteur noir d'Atlanta en faveur des droits civiques en adoptant et en ratifiant en 1964 la loi sur les droits civiques et, un an plus tard, la loi sur le droit de vote.

Mais Martin Luther King allait découvrir en 1966 un racisme aussi virulent, sinon plus, au Nord que dans le Sud lorsqu'il s'est rendu à Chicago pour y dénoncer la ségrégation de fait en matière de logement. Des milliers de Blancs l'ont accueilli en l'aspergeant d'insultes ou de pierres, et même en brandissant des affiches décorées par des croix gammées.

MLK devait affronter d'autres épreuves au cours des deux dernières années de sa vie, marquées par sa dénonciation sans appel de la guerre au Vietnam et sa campagne contre la pauvreté. Or, dans son discours sur «les trois maux» de la société» (racisme, pauvreté et militarisme), il allait évoquer le «ressac blanc» provoqué par les gains réalisés par les Noirs, leurs revendications persistantes et les émeutes raciales dans certaines villes américaines, dont Detroit et Newark. Je cite un extrait de ce discours :

«Il n'y a jamais effort un effort consistant, concerté et déterminé pour faire de la justice une réalité pour les Afro-Américains. Le recul a un nouveau nom aujourd'hui, on l'appelle le ressac blanc (white backlash), mais le ressac blanc n'a rien de nouveau. C'est l'émergence de vieux préjugés, d'hostilités et d'ambivalences qui ont toujours été présentes... Le ressac blanc a pour origine le même problème qui a caractérisé l'Amérique depuis que l'homme noir est arrivé enchaîné sur les rives de cette nation.»

Martin Luther King se réjouirait sans doute des gains réalisés par les Afro-Américains, et qui ont notamment contribué à l'élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis en 2008. Mais, 50 ans après son assassinat, le ressac blanc qui a suivi cette présidence ne l'étonnerait pas. Il n'a rien de nouveau.