Des millions de civils se font tuer, amputer, blesser, torturer, déplacer sous les yeux d'une communauté internationale qui n'intervient pas pour mettre fin à la boucherie. C'est ce dur constat qui ressort du nouveau rapport annuel d'Amnistie internationale, rendu public aujourd'hui partout dans le monde. «La réponse internationale est une honte. Pourtant, nous ne sommes pas impuissants», dit le secrétaire général de l'organisation, Salil Shetty. Résumé des points saillants de ce document de plus de 500 pages en sept recommandations.

Mettez le veto à la poubelle

Selon Amnistie, la crise en Syrie démontre l'inefficacité du Conseil de sécurité des Nations unies. «Le Conseil a été créé pour protéger les civils, mais il échoue misérablement», tonne Salil Shetty. En quatre ans, plus de 200 000 personnes ont été tuées en Syrie. «Elles ont presque toutes perdu la vie lors d'attaques des forces gouvernementales», peut-on lire dans le rapport. Au Conseil, la Russie a utilisé son droit de veto pour freiner une intervention. «Nous voulons que les États renoncent à leur droit de veto dans des situations d'atrocités de masse», dit, de Londres, M. Shetty.

Signez le traité

Le 24 décembre dernier, après 20 ans de bataille, le Traité sur le commerce des armes est entré en vigueur. Mais voilà, bon nombre de pays au coeur de ce commerce meurtrier ne sont pas signataires. Amnistie demande au Canada, à la Chine, aux États-Unis, à la Russie, à l'Inde et à Israël d'adhérer. «Le Canada dit qu'il doit consulter les chasseurs avant d'adhérer, alors que le traité n'a pas de portée à l'interne», déplore Béatrice Vaugrante, directrice générale de la section francophone d'Amnistie internationale Canada. Elle rappelle que les armes légères ont contribué à la mort de 500 000 civils en 2014.

Abandonnez les armes explosives

Les armes explosives et les tirs d'artillerie dans des régions peuplées ont fait beaucoup de ravages dans les populations civiles l'an dernier, que ce soit dans la bande de Gaza, en Israël ou en Ukraine de l'Est. «Il y a aussi les drones lâchés sur la population civile au Pakistan et en Afghanistan en toute impunité. Les victimes n'ont aucun recours», note Béatrice Vaugrante. Amnistie demande à la communauté internationale d'imposer de nouvelles restrictions dans l'utilisation de ces armes imprécises.

Limitez les lois antiterroristes

À la suite des attentats perpétrés récemment en France, au Canada, en Australie et ailleurs dans le monde, on assiste à l'adoption de nouvelles lois antiterroristes musclées. Amnistie invite la communauté internationale à garder en tête les dérapages de l'après-11-Septembre avant de passer à l'action, rappelant que le respect des droits fondamentaux doit être au coeur de la réponse au terrorisme. «Après le 11-Septembre, des mesures draconiennes ont été mises en oeuvre. Des programmes de surveillance trop vastes. La prison de Guantánamo. Nous ne voulons pas repasser par là», a dit Salil Shetty à Londres.

Ouvrez les portes aux réfugiés

En 2014, 3400 personnes se sont noyées dans la Méditerranée en essayant d'atteindre l'Europe. Quatre millions de Syriens ont fui leur pays pour se réfugier dans les pays voisins. Amnistie déplore l'inaction des pays les plus riches face à cette crise de réfugiés sans précédent. «Parmi les réfugiés syriens, 380 000 personnes ont été identifiées comme des personnes vulnérables. Des femmes qui ont été victimes de violence sexuelle, des enfants seuls. Même pour eux, il n'y a pas de réponse des pays les mieux nantis, si ce n'est de l'Allemagne et de la Suède», expose Béatrice Vaugrante.

Combattez l'impunité

Des crimes de guerre ont été perpétrés dans au moins 18 pays l'an dernier, mais la grande majorité des responsables de ces actes s'en sortiront sans un coup sur les doigts. «À Gaza, 2000 personnes ont été tuées par des bombardements, en République centrafricaine, il y a eu des boucheries. On ne peut pas laisser des crimes comme ceux-là impunis! C'est un message dévastateur pour la population civile», déplore Béatrice Vaugrante.

Veillez au respect des droits des autochtones

Le rapport d'Amnistie n'épargne pas le Canada, notamment à l'égard des droits des autochtones. «Il faudrait écouter ce que le rapporteur spécial des Nations unies a à dire là-dessus. Il parle d'une crise. Il faut mettre en place une commission d'enquête sur les disparitions de femmes autochtones. Il y a un vrai problème de violence contre les femmes autochtones. On leur doit au moins de les écouter!», fait valoir Béatrice Vaugrante.