Des violences ont marqué samedi à Rome la journée mondiale des «indignés». On y dénombre plus de 70 blessés. En cette journée, des dizaines de milliers de manifestants en Europe, au Canada et aux États-Unis sont descendus dans la rue pour dénoncer la précarité et la finance mondiale. Sous les slogans «Peuples du monde, levez-vous» ou «Descends dans la rue, crée un nouveau monde», les «indignés» avaient appelé à manifester dans 951 villes de 82 pays, selon le site 15october.net, contre la précarité liée à la crise et le pouvoir de la finance.

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Rome

À Rome, des incidents ont éclaté dès le début du cortège. Des éléments incontrôlés, masqués de foulards noirs, ont envahi un hôtel de luxe, fracassé les vitrines de banques et mis le feu à bâtiment officiel. Plusieurs véhicules, dont des fourgons de police, ont été incendiés. On dénombre 70 blessés, dont trois graves, dans les violences.

La place historique de la basilique Saint-Jean de Latran, a été transformée en champ de bataille, avec charges de police, fumigène et manifestants qui ont dû quitter les lieux les bras en l'air pour ne pas être confondus avec les casseurs.

«Ça, oui, c'est de l'indignation», pouvait-on lire, tagué sur un mur à proximité de la place qui n'a été évacuée qu'en début de soirée, tandis que des incidents sporadiques se poursuivaient dans la soirée dans divers lieux de la capitale italienne.

«Ça me dégoûte. C'est la faute du gouvernement qui a contraint les jeunes à se comporter ainsi. Ils ne nous laissent pas le choix», affirmait Laura, 23 ans.

Dans la soirée, le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi a qualifié la situation de «préoccupante», ajoutant que les auteurs des exactions seraient «punis».

Pendant que se déroulaient les incidents, des dizaines de milliers de personnes manifestaient pacifiquement dans la capitale italienne, brandissant des pancartes proclamant «Une seule solution, la Révolution!», «Nous ne sommes pas des biens dans les mains des banquiers».

Portugal

Des dizaines de milliers de personnes sont descendues samedi dans les rues du Portugal pour protester contre la politique d'austérité menée par le gouvernement sous la tutelle de l'UE et du FMI, dans le cadre d'une journée d'action mondiale du mouvement des «indignés».

À Lisbonne, quelque 50 000 personnes de tous âges, selon une première estimation des organisateurs, se sont dirigées dans le calme vers le parlement aux cris de «FMI dehors», rangées derrière une banderole proclamant «Stop troïka», en référence aux créanciers du Portugal (Union européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international).

Des défilés étaient organisées dans neuf villes du pays à l'appel d'une quarantaine de mouvements citoyens et, d'après les médias locaux, la mobilisation était également importante à Porto.

Espagne

Des dizaines de milliers d'«indignés» qui dénoncent depuis des mois le système financier, le chômage ou les coupes budgétaires dans la santé et l'éducation, sont revenus samedi à la Puerta del Sol à Madrid, où était né leur mouvement en mai avant de se propager à travers le monde.

«Parce que nous voulons récupérer la démocratie», «parce que ce sont toujours les mêmes qui gagnent», proclamaient les pancartes portées par les manifestants rassemblés à Madrid pour la première journée mondiale des «indignés», sous le slogan «Unis pour un changement mondial».

En Espagne, des manifestations étaient prévues dans 60 villes. À Barcelone, la deuxième ville du pays, les autorités locales ont évalué la foule à 60 000 personnes.

À Madrid, cinq marches parties des quartiers périphériques ont convergé sur la place de Cibeles, dans le centre-ville, avant de se diriger vers la place de la Puerta del Sol, point de départ emblématique du mouvement, occupée au printemps pendant un mois par les «indignés» espagnols et leur village alternatif.

Dans la soirée, une marée humaine a envahi la place, où les manifestants se sont figés dans un «cri muet», symbole de l'oppression, avant d'écouter un orchestre entonner la Neuvième symphonie de Beethoven.

Quelques dizaines de manifestants se sont ensuite allongés par terre, dans un geste symbolisant la mort, au pied de quelques «banquiers» restés fièrement debout.

New York

Des milliers de personnes manifestaient samedi dans le calme dans le quartier de la finance à New York, encadrés par une forte présence policière, dans le cadre de la journée mondiale d'action des «indignés», a constaté l'AFP.

Étudiants, familles avec poussette, syndicalistes faisaient partie du cortège. Ils arboraient des pancartes «Nous sommes les 99%», «Nous sommes le peuple» ou «M. Obama, nous avons besoin de votre soutien». Les manifestants étaient encadrés par de nombreux policiers à moto.

Les manifestants qui veillent à n'occuper que les trottoirs, la chaussée leur étant interdite, se sont rassemblés samedi matin devant le siège de la banque Chase avant de continuer leur chemin dans les rues de Wall Street.

Les «indignés» américains ont ensuite prévu d'aller «en masse» dans une agence fermer leur compte bancaire, pour dénoncer «une tendance à un comportement irresponsable» de la banque. Elle «a licencié 14 000 personnes depuis qu'elle bénéficié d'un renflouement de 94,7 milliards» de dollars, affirme leur site internet.

Après l'ancien vice-président démocrate Al Gore mercredi, l'acteur et réalisateur Sean Penn est la dernière personnalité en date à leur apporter son soutien. Il a «applaudi l'esprit de ce qui se passe à Wall Street. Cette génération, et je pense que cela a commencé vraiment avec le printemps arabe, commence à dire au monde "nous ne pouvons plus être contrôlés par la peur, nous ne pouvons plus être ignorés, parce que si vous ne nous montrez pas à la télévision, nous avons des ordinateurs et nous pouvons faire beaucoup de bruit"»», a-t-il déclaré vendredi soir sur CNN.

Londres

Quelque 800 «indignés» rassemblées samedi après-midi dans la City, coeur financier de Londres, ont reçu le renfort inopiné du fondateur de Wikileaks Julian Assange, mais sont restés fermement contenus par la police à distance de la bourse de Londres, a constaté l'AFP.

L'arrivée d'Assange, qui est en liberté conditionnelle dans un manoir près de Londres en attendant une éventuelle extradition vers la Suède où il est poursuivi pour viol, a suscité des cris de joie.

«Nous soutenons ce qui se passe ici parce que le système bancaire à Londres est le bénéficiaire d'argent issu de la corruption», a lancé le fondateur de WikiLeaks sur les marches de la cathédrale Saint-Paul, où étaient massés les manifestants.

Scotland Yard, sévèrement critiquée pour son manque de réactivité lors des émeutes en août dernier et de précédentes manifestations étudiantes, avait mis en place un imposant dispositif.

Des heurts mineurs avec la police se sont produits à la mi-journée alors que certains manifestants ont tenté de se diriger vers le London Stock Exchange (bourse de Londres), mais un porte-parole de Scotland Yard a qualifié la manifestation de «largement pacifique».

Une personne a été arrêtée pour «agression d'un policier», selon Scotland Yard.

La station de métro Saint-Paul a été fermée, mais la cathédrale, haut lieu touristique à Londres, restait ouverte aux visiteurs.

Les manifestants brandissaient des banderoles proclamant «Pas de coupes», en référence à la politique drastique d'austérité du gouvernement britannique, ou encore «Goldman Sachs est l'oeuvre du diable».

Guitares et tambours mettaient de l'animation.

Un collectif baptisé «OccupyLSX» avait appelé à la manifestation.

Paris

Des centaines d'«indignés» se sont rejoint samedi après-midi place de l'hôtel de ville à Paris pour une assemblée populaire répondant à un appel international sous le mot d'ordre «Tous ensemble pour un changement mondial!», a constaté une journaliste de l'AFP.

«Nous sommes indignés, indignés, indignés!», ont chanté avec énergie les manifestants, convergeant vers la place de l'hôtel de ville en milieu d'après-midi. «Paris, Paris, soulève toi!», ont-ils scandé devant les badauds et touristes.

Ces «indignés» s'étaient auparavant retrouvés dans différentes gares et points de rencontre parisiens avant d'affluer dans le centre de Paris.

Des rassemblements d'«indignés» étaient prévus samedi dans 951 villes de 82 pays, selon le site 15october.net qui appelle «les peuples du monde entier à descendre dans les rues et sur les places».

Si jusqu'à présent, la mobilisation est restée très modeste en France, dans d'autres pays, comme en Espagne, un pays frappé par un chômage record de 20,89%, la voix des «indignés», portée par un large soutien populaire, a su se faire entendre.

Après l'assemblée populaire, une soirée festive était prévue place de l'hôtel de ville à Paris.

Washington

Plusieurs milliers de personnes, «indignés» de Wall Street, mais aussi représentants d'organisations syndicales ou des droits civiques, manifestaient samedi à Washington contre la «rapacité» de la finance, pour l'emploi et la justice, a constaté l'AFP.

Quelque 300 manifestants de «Occupons DC» se sont rassemblés en fin de matinée devant la Maison Blanche et le département du Trésor pour protester contre la «mafia financière».

Ils ont ensuite rejoint une autre manifestation, avec 2000 à 3000 personnes rassemblées à l'appel d'une vingtaine d'associations et organisations.

Ce large rassemblement était organisée près du National Mall, la grande artère de Washington, sous l'égide du NAN (National Action Network), association pour les droits civiques en particulier des Noirs, à la veille de l'inauguration d'un Memorial en hommage au prix Nobel de la paix Martin Luther King.