L'Afrique a fait sa Déclaration des droits de l'homme en 1236, selon l'historien guinéen Djibril Tamsir Niane, auteur du célèbre Soundjata ou l'Épopée mandingue (1960).

Ce texte s'appelle la Charte de Kurukan Fuga. Elle régissait, et régit toujours, les rapports entre hommes, femmes et États de l'espace mandingue, en Afrique de l'Ouest.

 

Balkanisé par le colonialisme, cet espace recouvre le Burkina Faso, la Côte-d'Ivoire, la Gambie, la Guinée-Conakry et la Guinée-Bissau, le Liberia, le Mali, le Sénégal, et la Sierra Leone, soit 1200 km d'est en ouest et 1000 km du nord au sud.

C'était 61 ans avant la Magna Carta anglaise, 553 ans avant la Révolution française et sept siècles avant la Déclaration universelle de l'ONU, qui fête aujourd'hui ses 60 ans.

Si ce texte fondamental, qu'on appelle aussi la Charte du Mandé, n'est pas connu hors du territoire africain, c'est à cause de son caractère oral, dit l'écrivain, dans une entrevue accessible en ligne sur le site Agir pour l'Afrique.

«La Charte de Kurukan Fuga est un ensemble de décisions prises par une assemblée des alliés de l'empereur Soundjata Keita réunie au lendemain de sa victoire de Kirina sur le roi Soumaoro Kanté. C'est la loi fondamentale qui a servi d'assise à son empire», dit-il.

Sur ses 44 articles recueillis en 1998 lors d'une assemblée de griots (gardiens de l'histoire orale) à Kankan, en Guinée, les plus importants évoquent l'habeas corpus britannique («chacun a droit à la vie et à la préservation de son intégrité physique») et l'égalité des genres («les femmes doivent être associées à tous nos gouvernements»).

L'idée capitale de l'habeas corpus, fondement historique des libertés civiles anglaises, a été exprimée et codifiée en 1236 à Kurukan, au coeur du continent africain, dit Niane.