C'est le rêve de tout homme politique: pouvoir donner de l'argent liquide à ceux qui lui réclament de l'aide. Et c'est précisément ce que le premier ministre irakien a fait ces dernières semaines, distribuant des dinars pendant que derrière lui un assistant tenait discrètement les comptes.

Les distributions de Nouri al-Maliki et une poignée de hauts responsables irakiens sont légales tant que les dons ne dépassent pas les 8000 dollars environ et ne sont pas accordés deux fois à la même personne.

La plupart des sommes allouées par le premier ministre, comprises entre 200 et 400 dollars, sont destinées à couvrir des soins médicaux ou aider des veuves et des chômeurs, dans l'idée que de meilleures conditions de vie permettront d'améliorer la sécurité du pays.

De fait, ces distributions ostentatoires ne représentent qu'une petite partie de l'important investissement réalisé cet été par le gouvernement irakien pour reconstruire les services essentiels et relancer l'économie chancelante en distribuant rapidement le surplus des revenus pétroliers.

Et c'est là, précisément, ce que souhaitent Washington et l'opinion américaine lassée d'un conflit qui n'en finit pas: que l'Irak dépense son propre argent, et non celui des États-Unis, pour reconstruire le pays à un moment d'accalmie relative.

Les risques ne sont pas absents pour autant: outre le manque d'organisation du gouvernement, le clientélisme est à craindre, tout comme la corruption.

«L'argent n'est pas un problème», a récemment déclaré Nouri Al-Maliki lors d'une réunion avec des chefs tribaux à Bassorah, dans le sud du pays. «Mais nous devons le remettre à des mains qui le dépenseront honnêtement».

Malgré ces problèmes, de nombreux responsables estiment que les revenus pétroliers irakiens, évalués à 70 milliards de dollars cette année, constituent encore le meilleur moyen d'inscrire dans la durée le calme fragile qui règne actuellement.

Le général américain David Petraeus, commandant des forces américaines en Irak, a désigné à plusieurs reprises l'argent comme étant l'arme déterminante pour stabiliser l'Irak. L'amiral Mike Mullen, chef-d'état major interarmes américain, a pour sa part demandé à Bagdad d'accélérer les distributions cette semaine pendant un voyage dans la ville dévastée de Mossoul, dans le nord du pays.

Les États-Unis eux-mêmes ont mis la main à la poche, notamment pour les militants sunnites ayant accepté de changer de camp et de combattre Al-Qaeda. L'armée américaine a également fourni des fonds et du matériel à des projets comme la réparation de routes dans le quartier chiite de Sadr City à Bagdad.

Toutefois, les investissements les plus importants de ces derniers mois sont irakiens: 100 millions de dollars pour la reconstruction de Sadr City, 100 autres pour la ville chiite de Bassorah dévastée par des affrontements, 100 encore pour une autre ville chiite, Amarah, dans le Sud, et pour finir, 83 millions de dollars pour aider des réfugiés à rentrer chez eux.

Nombre des provinces auxquelles le chiite Al-Maliki a récemment promis de l'argent sont majoritairement chiites.

La vitesse à laquelle le projet sera mené reste néanmoins difficile à déterminer. Des études américaines ont en effet montré que les dirigeants irakiens ne dépensaient en réalité que de petites quantité de l'argent qui leur est alloué, en raison, souvent, de la mauvaise organisation des services gouvernementaux et d'un manque de savoir-faire technique.