Le président irakien Jalal Talabani a rejeté mercredi une loi adoptée la veille par le Parlement, augurant d'un probable report d'élections provinciales censées marquer une étape importante de la stabilisation du pays.

«Le président n'accepte pas cette loi votée par 127 députés qui ne représentent même pas la moitié du Parlement» de 275 membres, selon un communiqué de la présidence.

Le rejet de la loi régissant le scrutin signifie que les élections provinciales, prévues en octobre, seront probablement repoussées.

Avant même la décision du président, des députés avaient déjà mis en garde contre un report en dénonçant les conditions d'adoption de la loi électorale.

Ce retard représenterait un revers pour les États-Unis et en particulier l'administration Bush qui voit dans le scrutin une étape cruciale vers la réconciliation entre communautés hostiles.

«Le président est persuadé que le Conseil présidentiel n'adoptera pas non plus cette loi», ajoute le communiqué de la présidence.

Le conseil présidentiel est composé du président Talabani, un Kurde, et de deux vice-présidents, le chiite Adel Abdel Mahdi et le sunnite Tarek al-Hachemi.

Le parlement irakien avait approuvé mardi soir un projet de loi ouvrant la voie aux élections qui devaient avoir lieu dans les 18 provinces irakiennes sous la supervision de l'ONU.

Mais des députés avaient immédiatement dénoncé des irrégularités dans la procédure du vote qui avait été boycotté par les députés kurdes et d'autres législateurs hostiles à la loi.

«Les élections auront lieu plus tard qu'à la date prévue», a déclaré Ali al-Adib, membre du parti Dawa du premier ministre Nouri al-Maliki.

M. Adib et d'autres députés affirment que le vote a eu lieu en secret, en violation des règlements du parlement.

«Au minimum, l'élection n'aura pas lieu le 1er octobre», a ajouté le porte-parole du bloc sunnite, Salim Abdallah. Il a dit s'attendre à ce qu'elle se déroule en janvier prochain.

Les Kurdes en particulier s'opposent à la loi contestée en raison d'un différend sur la répartition du pouvoir entre les différentes communautés de la région riche en pétrole de Kirkouk, dans le nord de l'Irak.

L'organisation des instances de décision prévues par le scrutin dépend de la composition ethnico-religieuse de la population.

A quelque 250 km au nord de Bagdad, Kirkouk avait été placée par l'ancien président Saddam Hussein hors du Kurdistan irakien, une région indépendante de facto depuis 1991.

Alors que les Kurdes ont aujourd'hui consolidé leur pouvoir au sein du nouvel Irak, ils exigent son rattachement à leur région autonome située à une cinquantaine de km plus au nord.

Le gouvernement du Kurdistan irakien a estimé que le vote de mardi violait la Constitution.

«Le président du Parlement a commis une violation de la Constitution et n'a pas respecté le règlement intérieur du Parlement», a-t-il dit.

«Il cherche à faire obstruction au processus démocratique national et aux élections des assemblées provinciales, et tente de perturber le processus politique dans le pays», a-t-il ajouté.

Dans le cadre d'un Irak fédéral envisagé par la Constitution, les provinces auront des prérogatives importantes, notamment en matière de dépenses publiques.

En juin, le mouvement du chiite Moqtada Sadr, une des principales forces politiques d'Irak, avait déjà annoncé qu'il boycotterait les élections provinciales.

La constitution irakienne prévoyait l'organisation avant décembre 2007 d'un référendum local sur un éventuel rattachement de Kirkouk au Kurdistan, consultation souhaitée par les Kurdes mais à laquelle Bagdad et les communautés arabes et turcomane étaient hostiles.

Le référendum n'a finalement pas eu lieu et a été repoussé de six mois, après l'intervention in extremis de l'ONU.