Le diplomate en chef de l'UE Javier Solana retrouve samedi à Genève le négociateur iranien sur le nucléaire Saïd Jalili, avec le petit espoir que l'assouplissement amorcé par Washington amène enfin les Iraniens à négocier la suspension de leurs activités nucléaires sensibles.

Pour la première fois depuis deux ans qu'il tente de dialoguer avec les Iraniens, M. Solana aura à ses côtés un représentant de chacun des six pays impliqués dans les négociations sur ce dossier lourd de tensions internationales: France, Allemagne, Grande-Bretagne, Russie, Chine et surtout États-Unis, avec la présence inédite du no3 du département d'État William Burns.

La participation de M. Burns marque un revirement spectaculaire de l'administration de George Bush. Elle avait fait jusqu'ici de la suspension de l'enrichissement d'uranium -soupçonné d'alimenter un programme secret de fabrication de l'arme atomique- la condition impérative d'une présence américaine à des négociations multilatérales avec l'Iran.

Peu après ce geste américain, le chef de la diplomatie iranienne Manouchehr Mottaki a indiqué que son pays étudiait un projet américain d'ouverture d'une section diplomatique en Iran. Cela témoignerait d'un véritable réchauffement entre Téhéran et Washington, qui n'ont plus de relations diplomatiques depuis 1980.

Vendredi, Saïd Jalili a émis l'espoir que cette présence américaine inédite rende les discussions fructueuses.

«Ce qui nous importe, c'est avec quelle approche ils participent aux discussions. Si c'est avec une approche constructive et qu'ils s'abstiennent des erreurs du passé, alors il est certain que nous aurons des discussions constructives», a-t-il indiqué avant son départ pour Genève.

Les Occidentaux, échaudés par le dialogue aussi compliqué qu'infructueux avec l'Iran depuis juin 2006, se gardent néanmoins de tout optimisme.

S'il estime que la participation américaine «ne peut avoir qu'un impact positif», M. Solana a souligné vendredi ne voir «aucun» signe de percée pour l'instant. «J'espère que ce signe sera donné demain', a-t-il simplement indiqué.

La secrétaire d'État américaine Condoleezza Rice a déclaré jeudi que Washington soutenait «fermement» les efforts diplomatiques pour inciter Téhéran à renoncer à l'enrichissement d'uranium, mais qu'elle ignorait si les Iraniens réagiraient positivement.

Le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner a lui estimé «prématuré de dire qu'il y aura du progrès» à Genève.

Pour qu'il y ait «progrès», il faudrait que les Iraniens acceptent l'idée, qu'ils ont toujours rejetée jusqu'ici, sinon d'un gel immédiat de l'enrichissement d'uranium, du moins de son maintien à son niveau actuel.

Ils s'engageraient donc à ne pas mettre en route de nouvelles centrifugeuses qui permettent cet enrichissement, selon un calendrier et des modalités de surveillance à négocier.

De leur côté, les six puissances - toutes, Allemagne exceptée, membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU - s'engageraient à ne rien ajouter aux trois résolutions assorties de sanctions déjà adoptées contre l'Iran à l'ONU.

Si les deux parties se mettaient d'accord sur cette première étape, la suivante viserait à arriver à la suspension pure et simple de l'enrichissement iranien, condition préalable des grandes puissances à l'ouverture de véritables négociations sur l'offre de coopération qu'elles font miroiter à Téhéran depuis juin 2006.

Cette offre est politique et économique: elle propose de sortir Téhéran de son isolement diplomatique et de consacrer son rôle de puissance régionale, mais aussi de développer les échanges y compris dans le domaine de l'aviation et du nucléaire civil, domaine dans lequel les grandes puissances proposent de fournir des technologies dernier cri à Téhéran.