Pas besoin de détruire votre voiture à coups de masse pour que l'humanité parvienne à limiter la hausse des températures du globe à 1,5 °C. Mais lorsque viendra le temps de la remplacer, il faudra impérativement choisir une voiture électrique ou alors commencer à vous déplacer autrement.

C'est un peu le message qui ressort d'une étude publiée récemment dans Nature Communications. Ses auteurs montrent qu'en commençant immédiatement à remplacer les voitures, navires, avions et centrales thermiques qui brisent par d'autres qui n'émettent pas de gaz à effet de serre, nous avons collectivement 64 % de chances de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C.

« Dans un sens, c'est une bonne nouvelle : même avec toutes les infrastructures utilisant des carburants fossiles qui existent actuellement sur Terre, l'objectif est atteignable. Mais si nous continuons à en construire de nouvelles, ça deviendra rapidement très difficile, pour ne pas dire impossible », dit Christopher Smith, premier auteur de l'étude et chercheur à l'Université de Leeds, en Angleterre.

L'objectif de limiter la hausse du réchauffement mondial à 1,5 oC a été inscrit dans l'accord de Paris de 2015. L'automne dernier, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) de l'ONU a aussi réitéré l'importance de l'atteindre dans un volumineux rapport.

Un « énorme défi »

Le travail des chercheurs est avant tout un exercice de simulation visant à étudier la sensibilité du climat mondial aux émissions de GES. Les auteurs écrivent ne pas vouloir s'aventurer à dire si le remplacement progressif de toutes les infrastructures consommant du pétrole et débutant dès maintenant est techniquement ou économiquement possible.

En entrevue à La Presse, l'auteur principal a toutefois admis qu'un tel scénario semble un « énorme défi ». S'il existe bel et bien des éoliennes et des panneaux solaires pour remplacer les centrales au charbon qui atteignent la fin de leur durée de vie, c'est une autre paire de manches pour les avions, par exemple. Des percées ont bien été faites du côté des biocarburants et des moteurs électriques, mais on voit mal les compagnies aériennes cesser dès aujourd'hui d'acheter de nouveaux avions à carburant fossile.

« D'un point de vue personnel, je ne crois pas que ça va se produire, dit Christopher Smith à propos d'une halte immédiate de la fabrication de nouvelles machines consommant des carburants fossiles. Je pense qu'on va se diriger dans la bonne voie et commencer à réduire nos émissions, mais je ne crois pas que cela se produira assez rapidement. »

« C'est le moment d'admettre que nous avons besoin d'un virage et de mesures drastiques, sinon nous ne faisons que nous leurrer », commente quant à lui Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie de Greenpeace Canada.

« Nous n'avons plus le temps pour de petits pas et des demi-mesures. Nous devons tout faire plus vite et de manière plus audacieuse, à tous les niveaux, et ne laisser aucun secteur derrière. »

- Patrick Bonin

La tortue plutôt que le lièvre

Les calculs des chercheurs reposent évidemment sur de nombreuses hypothèses et les résultats comptent d'importantes incertitudes. Mais leurs modèles suggèrent que si on veut atteindre l'objectif de 1,5 °C, il vaut mieux agir comme la tortue de la célèbre fable de La Fontaine plutôt que comme le lièvre et partir à point.

Les chercheurs ont supposé qu'en attendant la fin de la durée de vie de toutes les machines consommant du pétrole, il faudra 40 ans pour les éliminer complètement de la surface de la Terre. En attendant 2030 pour commencer à les remplacer plutôt qu'en agissant immédiatement, la probabilité de limiter la hausse des températures à 1,5 °C diminue à 33 %. Commencer immédiatement, mais agir plus lentement (étaler la transition sur 50 ans plutôt que 40 ans) donne une meilleure chance d'atteindre l'objectif, soit 56 %.

« Une étude publiée il y a quelques années par Myles Allen, l'un des coauteurs de celle-ci, a déjà montré que chaque année pendant laquelle on attend pour réduire les émissions nous oblige à devancer de deux ans la date à laquelle on atteindra la cible de zéro émission pour obtenir une même augmentation de température, dit Christopher Smith. Alors oui, il est manifestement important d'agir maintenant. »