Lorsque les enquêteurs du département de la Santé sont arrivés dans cette école du Queens touchée par la grippe mexicaine, la situation semblait préoccupante. En quelques jours, près de 660 enfants, puis un millier de personnes, étaient contaminés. Mais depuis, plus rien... L'absence de prolifération du virus à New York, pourtant laboratoire idéal pour une épidémie de grande ampleur, laisse les spécialistes perplexes.

Le 24 avril, l'école Saint-Francis du Queens, l'un des cinq «boroughs» de la Grosse Pomme, était montrée du doigt comme épicentre de la contamination new-yorkaise. Quelques jours plus tard, un quart des 2 700 élèves était atteint, et une bonne partie du personnel encadrant. Peu après, un millier de personnes liées à l'école avaient des symptômes. On pensait alors que la grippe A(H1N1) était partie pour contaminer des dizaines de milliers de personnes. Mais le virus semble avoir depuis fait relâche: depuis le 26 avril, seule une poignée de nouveaux cas a été signalée, dont la plupart soit rentraient du Mexique, soit avaient quelque chose à voir avec l'école.

New York est pourtant a priori un bouillon de culture parfait pour le virus, avec plus de huit millions d'habitants, entassés dans les métros, se bousculant sur les trottoirs... Qu'il n'ait pas «pris» laisse les responsables sanitaires perplexes.

«C'est l'un des grands mystères de la grippe», note le docteur Don Weiss, responsable de la surveillance du service des maladies infectieuses au département municipal de la santé.

Parfois, la grippe prend de la vitesse et se répand à toute allure au sein d'une population. D'autres fois, elle perd de sa virulence au fur et à mesure que la contamination avance.

Pourquoi celle-ci a frappé si fort à Saint-Francis, mais pas ailleurs, risque de rester un mystère pendant longtemps.

Pour certains experts, si le nombre de nouveaux cas reste aussi faible, la ville pourrait bien devoir attendre jusqu'à la prochaine saison grippale pour savoir si ce virus-là est plus dangereux que d'autres souches.

Peter Palese, microbiologiste et spécialiste de la grippe à l'école médicale de Mount Sinai, prédit que la grippe A(H1N1) va «se tarir dans notre secteur d'ici une semaine ou deux, puis s'attarder dans l'hémisphère sud, et revenir l'année suivante».

Les responsables de la santé publique de New York semblent d'accord avec lui: s'ils continuent à surveiller l'avancée de l'épidémie, les conseils qu'ils donnent aux généralistes le prouvent.

Pas besoin de soumettre aux tests du H1N1 des patients se plaignant de symptômes grippaux, à moins qu'ils ne soient très malades, disent-ils. Les médecins ont aussi pour consigne de ne plus prescrire d'antiviraux, sauf cas grave, ou si le patient est affaibli par une autre maladie qui rendrait la grippe plus dangereuse.

Mais l'enquête se poursuit: depuis sa première visite à Saint-Francis et les premiers prélèvements le 24 avril, les enquêteurs du département de la santé municipal ont contacté 44 des premier enfants testés positifs, interrogé les médecins du voisinage à qui des kits de dépistage ont été distribués, envoyé des questionnaires médicaux à tous les élèves de l'établissement... Les laboratoires new-yorkais ont travaillé 24 heures sur 24 sur les tests de dépistage, des prélèvements étant régulièrement envoyés aux CDC (Centers for Disease Control) d'Atlanta pour confirmation.

Quasiment dès le départ de la crise, il y a eu de bonnes nouvelles: les élèves malades se remettaient vite, certains étaient déjà totalement guéris, aucun n'avait été gravement malade.

Et la surveillance des services d'urgence des hôpitaux de la ville s'est rapidement révélée rassurante également: la hausse des cas semblait limitée et liée à une certaine nervosité dans la population.

Si nombre d'interrogations demeurent, les chercheurs ont débouché sur plusieurs conclusions: le virus continue de se diffuser, mais lentement. Ce n'est qu'avec le début du week-end qu'on a constaté des nouveaux cas chez des gens n'ayant pas été au Mexique récemment et n'ayant aucun lien avec l'école du Queens.

Le taux de transmission n'est pas très élevé et les symptômes restent bénins, note le docteur Weiss. Sans tomber pour autant dans l'optimisme béat: «une semaine, ça n'est pas assez long pour être sûrs que nous ne verrons pas une maladie grave».