Chers patients, voici pourquoi vous devrez continuer de payer pour pouvoir me consulter même si le gouvernement ne peut vous offrir le même service au public.

Je suis médecin de famille au privé depuis 14 ans. J’ai dû renoncer à la fin de mes études à travailler au public faute de poste dans ma région. La seule autre option possible : aller au privé.

J’ai un intérêt pour la santé mentale et les cas complexes (avant d’aller en médecine, j’étudiais en psychologie). Les besoins sont criants. Toutefois, impossible pour moi de travailler dans le système de santé public et ainsi éviter d’avoir à faire payer mes patients.

Pourquoi, direz-vous, ne puis-je pas travailler au public ?

La rémunération des omnipraticiens en cabinet est principalement basée sur le système des inscriptions à un médecin de famille ainsi que sur les actes faits devant un patient. Il n’y a pas vraiment d’autre moyen d’avoir une rémunération décente.

Il n’y a simplement pas de code de facturation qui rendrait ma pratique actuelle au public non déficitaire, c’est-à-dire voir des patients avec des problèmes de santé mentale et des cas complexes (des rendez-vous variant entre 30 et 120 minutes).

Avec les années et les promesses électorales, tout ce qui importe aux partis qui tentent de se faire élire est de promettre que davantage de Québécois soient inscrits auprès d’un médecin de famille. Qu’ils puissent le voir ou non, qu’ils soient satisfaits des services ou non. Pour y arriver, ils ont créé de multiples primes et bonus tous orientés vers un seul but : que le médecin inscrive puis voie le plus grand nombre de patients par heure-jour-mois-année, pour que les chiffres puissent être étalés ensuite en public.

Et les besoins des patients ? Et la qualité des soins ?

La médecine fast food

On ne peut blâmer les médecins de faire ce qu’on leur demande… Quand on rémunère davantage certaines tâches afin d’en augmenter l’attrait, eh bien, les gens les font, peu importe le domaine de travail.

Que se passe-t-il avec les patients complexes, les personnes âgées, les patients avec des problèmes de santé mentale, de toxicomanie, les femmes ménopausées, etc., des cas qui prennent 30, 60 ou 90 minutes parfois à voir ? Impossible dans le système actuel. « Vous reviendrez, vous prendrez une autre journée de congé ou même deux, trois par année, ce n’est pas grave ! » C’est pour cette raison que votre médecin n’a pas de temps à vous consacrer, parce que le gouvernement favorise la médecine fast food au détriment de la vraie médecine.

Ainsi, si je veux travailler au public et être rémunérée comme la moyenne des médecins de famille, je devrais me plier à cette médecine fast food. Je devrais changer ma façon de travailler et tout diviser en diverses rencontres, tout en sachant que ce n’est aucunement dans l’intérêt des patients.

Je ne connais aucun médecin qui trouve que son travail a du sens dans l’état actuel des choses, mais tout le monde s’y plie, car c’est ancré dans la pratique au point où personne ne remet ça en question.

Beaucoup de médecins sont résignés. Ils savent que changer le système et le mode de facturation est titanesque. Certains se réorientent et cessent la prise en charge pour faire autre chose ou vont au privé.

J’ai contacté la FMOQ, le ministre de la Santé, la RAMQ, le Collège des médecins, plusieurs journalistes… Rien ne bouge.

Qui peut aider mes patients, mais surtout, aider les millions de Québécois qui sont pris dans ce système rigide et malade, mené par la facturation des actes médicaux et non par le souci d’offrir les soins optimaux pour les patients ? Ce système me rend et nous rend tous malades.

Pourtant, je veux travailler, contribuer au système et aider les vrais malades.

Mes patients et tous les Québécois doivent savoir pourquoi ils n’ont pas accès à des soins adaptés à leur état de santé malgré tout l’argent englouti dans le système.

Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue