Avec son rôle dans The Shawshank Redemption et une nomination aux Oscars pour Dead Man Walking, Tim Robbins doit plusieurs des moments forts de sa carrière à des films sur la prison. Une plongée dans l'univers carcéral qui l'a inspiré pour changer le quotidien de détenus dans la vie réelle.

Depuis une dizaine d'années, le comédien vu dans The Player de Robert Altman a contribué à faire baisser le taux de récidive parmi les prisonniers californiens grâce à un programme d'art dramatique qui encourage des criminels à se connecter à leurs émotions.

«On n'est pas là pour faire du théâtre avec eux, pour monter des pièces avec eux et surtout pas pour en faire des acteurs», a-t-il expliqué lors d'une présentation du Prison Project à Los Angeles.

«On ne tient pas à ce qu'ils soient en concurrence avec nous. Surtout s'ils sont bons», plaisante-t-il, «mais on leur offre un chemin qui peut mener à une transformation».

Le taux de criminalité aux États-Unis est à des records de faiblesse, mais les incarcérations se sont envolées depuis les années 70, avec 2,3 millions d'Américains derrière les barreaux, soit un quart de la population carcérale mondiale.

La Californie affiche l'un des taux de récidive les plus élevés des États-Unis, et en 2008 toutes les subventions publiques pour les programmes d'art dans les prisons ont été éliminées, malgré les preuves de leur impact positif.

Le Prison Project réunit des membres de gangs rivaux, des condamnés pour meurtres, des partisans de la suprématie blanche dans des ateliers où ils peuvent exprimer leurs émotions sans tabous, ce qu'ils ne peuvent faire ailleurs en détention.

Des groupes de détenus s'assoient avec le visage grimé de blanc ou des masques, ils improvisent des scènes en se glissant dans des personnages de la Commedia dell'Arte, mimant le bonheur, la tristesse, la peur ou la colère...

«Sas» émotionnel

«En prison, il y a une émotion qui est de rigueur, c'est la colère. Pour survivre il faut avoir son visage en colère, pour projeter une aura d'invincibilité et de dureté», fait valoir l'acteur.

«On ne peut exprimer la peur ou la tristesse, et le seul bonheur que l'on ressent c'est généralement quand on se moque de quelqu'un, pas une joie pure», ajoute-t-il.

Tim Robbins dit que ces ateliers peuvent transformer les prisonniers en leur offrant un «sas» pour exprimer des sensations enfouies et leur apprenant à maîtriser leurs émotions.

Né près de Los Angeles, le comédien a déménagé avec sa famille menée par un père catholique chanteur et très pieux dans le quartier de Greenwich Village à New York, où il a commencé à se produire sur scène à l'âge de 12 ans.

Oscarisé en 2003 pour Mystic River, il déclare souvent qu'il aurait pu lui-même finir derrière les barreaux s'il n'avait pas découvert le théâtre.

Il s'est réinstallé à Los Angeles lorsqu'il était âgé d'une vingtaine d'années et a fondé un collectif expérimental, The Actors' Gang, en 1981 aux côtés de jeunes artistes de sa faculté, dont John Cusack.

L'actrice britannique Sabra Williams les a rejoints et en 2006, a suggéré l'idée du Prison Project, inspirée par le travail qu'elle avait fait en prison en Grande-Bretagne en tant que membre de la Royal Shakespeare Company.

Regardés au début comme des progressistes qui veulent s'encanailler avec des bandits, Tim Robbins et Sabra Williams ont fini par convaincre de l'utilité de leur programme.

Le taux de retour en prison en Californie a culminé à 67,5% ces dernières années, d'après une étude récente de l'administration pénitentiaire.

Chez les détenus qui ont participé au Prison Project, ces chiffres tombent à 10,6%, et le taux de délits en prison chute de 89% pour les participants au programme d'après une étude de l'association Impact Justice réalisée en 2015.

Le projet a été étendu à 12 prisons californiennes, deux communautés de réinsertion et deux centres de détention pour mineurs. Grâce au militantisme de Sabra Williams, l'art dans les prisons a également recouvré des financements.

«C'est une question de sécurité. On ne peut pas garder les gens en prison pour toujours (...) Ne préférez-vous pas qu'ils sortent en sachant gérer leurs émotions?», interroge Tim Robbins.