Habitué du Québec et du FFM, Claude Miller est en ville pour présenter en compétition - et en première mondiale - son nouveau film, Un secret. Cette magnifique adaptation du récit autobiographique de Philippe Grimbert a aussi été retenue pour clôturer le festival demain.

Claude Miller le dit sans ambages: il préfère adapter pour le cinéma des oeuvres littéraires plutôt que de signer des scénarios originaux. Le réalisateur de Garde à vue multiplie ainsi les lectures, toujours fin prêt à tomber amoureux d'une histoire qui pourrait lui donner l'envie d'en faire un film.

Un secret, le roman autobiographique de Philippe Grimbert, n'appelait pourtant pas d'évidence une adaptation cinématographique. L'ouvrage se présente en effet comme un récit écrit à la première personne. Et ne comporte aucun dialogue.

«Il y a quand même deux choses qui ressortent clairement à la lecture, expliquait hier le cinéaste. La situation dramatique - très tendue - m'inspirait beaucoup. Puis, j'ai tout de suite vu que les personnages, très romanesques, pouvaient constituer autant de très beaux rôles pour les acteurs. Cela dit, il était aussi évident que le scénario qu'il fallait tirer de ce récit serait très difficile à écrire. Tout était à faire.»

Sans parler de résonance intime (les parcours des deux hommes sont différents), Claude Miller a aussi vu dans le récit de Grimbert une évocation de sa propre histoire familiale. Né en 1942, le cinéaste a en effet vécu les premières années de son existence sous l'Occupation.

«Je n'ai personnellement aucun souvenir de cette période, dit-il. Nous étions des juifs laïques. Plusieurs oncles et plusieurs tantes ne sont jamais revenus des camps. Pendant mon enfance, j'ai été hanté par toutes ces histoires. Que je n'ai pas vécues directement.»

D'où, peut-être, ce regard singulier que Miller porte sur l'enfance troublée dans ses films. À cet égard, Un secret ne fait pas exception. Le protagoniste, un jeune garçon à qui ses parents cachent tout de leur histoire tragique pendant l'Occupation, devra ainsi se réfugier dans son imaginaire afin de se construire une identité. Ce n'est qu'à l'âge de 15 ans qu'il apprendra le fameux secret qui hante sa famille.

Évidemment, beaucoup de films ont déjà exploré l'horreur de la Shoah. Pourtant, Claude Miller n'a jamais hésité à se lancer dans le projet. Car le récit de Grimbert offre selon lui une perspective inédite. «À la lecture du livre, il me semblait que ces gens n'étaient pas seulement des victimes de l'Holocauste, mais aussi des personnes qui vivaient leur vie comme vous et moi. Eux aussi ont eu des amours illicites, des histoires d'adultère, une libido! Grimbert les présente comme des êtres de chair et de sang dont les histoires humaines prennent une dimension d'autant plus tragique qu'elles se déroulent dans ce contexte historique. Je trouvais cela extraordinaire. Et d'approche nouvelle.»

Mêlant différentes époques (le passé est en couleur; le présent en noir et blanc), le film est construit de telle sorte que la charge émotive de cette histoire, qui compte sa belle part de passions secrètes, soit subtilement distillée. Miller étant aussi un habile directeur d'acteurs, l'excellente distribution y trouve évidemment son compte: Julie Depardieu et Ludivine Sagnier, qui retrouvent leur réalisateur de La petite Lili, sont justes et émouvantes. Cécile de France et Patrick Bruel, qui font leur entrée dans le monde de Miller, traduisent de leur côté magnifiquement les déchirements intérieurs de leurs personnages d'amoureux. Mathieu Amalric, qui incarne le protagoniste à l'âge adulte, est forcément impeccable. Soulignons aussi la participation d'Yves Jacques, lequel tient ici un petit rôle.

Un secret, dont nous reparlerons évidemment plus en détail à sa sortie en octobre (simultanément à la France - une fois n'est pas coutume!), est à classer parmi les plus beaux films d'un cinéaste qui, de La meilleure façon de marcher à La petite Lili, en compte déjà plusieurs...

«Mon ambition au cinéma, confiait-il hier à La Presse, est de faire ressortir l'intérieur de choses dont je ne filme pourtant que l'extérieur. Pour mieux les comprendre. C'est du moins ce que je tente de faire.»

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Un secret de Claude Miller. Aujourd'hui à 9h30 au Quartier latin; demain à 19h au Théâtre Maisonneuve (sur invitation). En salle le 5 octobre.