Ainsi va la vie. Jean Becker a lu Dialogue avec mon jardinier, de Henri Cueco, et il en a tout de suite vu le propos d'un de ses prochains films. Mieux, en écrivant le scénario, son idée était déjà arrêtée : le rôle du jardinier allait être celui du comédien et de son grand ami, Jacques Villeret.

Triste suite, l'interprète est décédé le 28 janvier 2005, des suites d'un cancer. Jacques Villeret et Jean Becker avaient collaboré à trois reprises sur le plateau de tournage.

La première fois en 1999, pour Les Enfants du marais, film qui avait valu cinq nominations à Becker, à la soirée des César, en 2000.

«J'ai tout arrêté, a-t-il avoué, lors d'un entretien téléphonique. Je n'avais plus le goût de continuer après le décès de Villeret. Le personnage du jardinier était le sien.»

Le cinéaste-scénariste a fait le ménage dans ses idées avant de reprendre le boulot et de compléter l'écriture de Dialogue avec mon jardinier.

«Un beau et brillant projet et je ne pouvais pas le laisser sur les tablettes. Je l'ai terminé en songeant à Villeret.»

Le premier défi de Becker a été de trouver un comédien capable de rendre le personnage du jardinier. Il s'est alors tourné vers Jean-Pierre Darroussin, avec qui il n'avait jamais travaillé. «Il m'avait renversé dans Un air de famille, de Cédric Klapisch, en 1996. On s'est rencontré, on a discuté, et ce rôle était le sien.»

Dialogue avec mon jardinier est un film axé sur l'amitié entre deux hommes aux caractères diamétralement opposés, qui ne se sont pas rencontrés depuis des lunes. Il y a le jardinier, dont le quotidien est plus ou moins routinier, et le peintre, dont le sien est plutôt perturbé.

À l'écran, la complicité entre les deux prend toute sa signification. Il fallait trouver deux interprètes, aptes à livrer ce long dialogue et à le rendre crédible et vivant.

Daniel Auteuil

Pour donner vie au personnage du peintre, Jean Becker avait un seul nom sur sa liste : Daniel Auteuil.

«Il est un des comédiens les plus occupés, mais j'ai tout de même tenté ma chance. Je lui ai soumis le scénario et deux jours plus tard, il a accepté. J'étais honoré. J'ai toujours voulu travailler avec lui.»

Le duo Darroussin/Auteuil perce littéralement l'écran. Les deux donnent vivement l'impression d'être des complices de la première heure, mais ce n'est pas le cas. Le film de Becker est leur premier tête-à-tête en carrière.

«Sans cette grande complicité entre les deux, ce film aurait perdu toute sa crédibilité. Ils ont été formidables dès les premières rencontres sur le plateau de tournage.»

Dialogue avec mon jardinier aurait pu être rendu à la façon d'un huis clos. Jean Becker a plutôt opté pour les grands espaces verts, tout en y ajoutant des personnages secondaires.

«Je ne voulais pas faire une pièce de théâtre. Et puis, il y a un jardinier et je me voyais mal installer l'équipe dans un lieu clos.»

En lisant le livre de Henri Cueco, Jean Becker a vu d'importants pans de sa vie défiler devant lui.

«J'ai toujours été attiré par le jardinage. D'ailleurs, j'aménage toujours un potager à chaque année derrière chez moi.»

Et, par-dessus tout, il y a l'amitié. Ô divine amitié. «On perd et, parfois, on retrouve un grand ami. Ça m'est arrivé. Il y a aussi l'autre côté de la réalité. Prenez mon frère. Il est mort très jeune. Trop jeune à mon goût.»