Film sur le non-dit, Un ange à la mer suscite, là où il passe, des discussions passionnées. Après Karlovy Vary - où il a remporté trois prix - Namur, Paris et Bruxelles, le premier long métrage de fiction de Frédéric Dumont a soulevé, lors de sa présentation au FNC, bien des débats.

«Passionnés ou en colère», les spectateurs qui discutent avec Frédéric Dumont à l'issue des projections d'Un ange à la mer sont rarement indifférents au film. «Je trouve ça génial, j'ai eu assez de gens qui me disent des choses intimes», estime le réalisateur.

Un ange à la mer est le récit, sans relâche, sans concessions, de la maltraitance psychologique faite aux enfants. «Je voulais montrer que cela peut bouleverser, et casser une vie: je tire une sonnette d'alarme», dit Frédéric Dumont.

Au Maroc, une famille d'expatriés se débat avec la maniaco-dépression du père. Traversé par la perversion comme la paranoïa, ce père appelle un jour son fils et lui confie un secret qui va totalement détruire son enfance. Sa mère comme son frère aîné assistent impuissants, sans comprendre, au repli sur soi du jeune garçon.

«C'est mon histoire. J'ai gardé ce secret pendant 25 ans. J'ai écrit à partir de ce secret. Le scénario s'est construit autour de ces souvenirs du Maroc, des chats, des couleurs, des images», affirme le réalisateur.

«Le Maroc, c'est mon pays, ajoute-t-il. Je voulais aussi isoler les membres de cette famille, les éloigner de la famille, de leurs amis proches.»

Dès la révélation du secret, le film se resserre autour du père et du fils, créant une tension jamais relâchée. Les paysages marocains offrent un contraste saisissant.

«Je voulais, au fur et à mesure que l'histoire se passe, que les gens deviennent des figurants déconnectés. La mère est expulsée du cadre, parce qu'elle n'existe plus dans le rapport entre le père et son fils», opine Frédéric Dumont.

«On me reproche de ne pas avoir mis de respiration, continue-t-il. Mais le film part avec une famille qui semble idéale et qui, après, rentre dans une tension. J'avais cette image d'un élastique que l'on tire sans jamais relâcher. Je voulais que l'on voie comment les personnages se débrouillent.»

Passé documentaire

Réalisateur de longs métrages documentaires, Frédéric Dumont a passé les 7 dernières années à produire ce premier long-métrage. De nombreuses suggestions lui ont été faites pour alléger le film; installer un suspense plutôt qu'une tension.

«Cela ne m'intéressait pas, dit-il. Je voulais montrer la déchirance de cet enfant qui disparaît, et le montrer de son point de vue.»

Rapidement dans le processus d'écriture, Frédéric Dumont a pensé à l'un de ses plus célèbres compatriotes pour le rôle du père, Olivier Gourmet.

«J'ai écrit le rôle pour lui. Quand je lui en ai parlé, je ne le connaissais pas, mais il m'a dit que le film était une priorité, ça a duré trois ans. Il voulait absolument faire ce film, et il a adoré», dit-il.

Anne Consigny s'est imposée quelques années plus tard comme la mère, un personnage qui comprend trop tard l'impact de la maladie de sa famille sur son fils. «Je l'ai poussée à aller loin. Elle a toujours voulu défendre son personnage. Elle avait du mal à imaginer qu'une mère passe à côté de ça», dit-il.

Enfin, le film repose surtout sur les épaules du jeune Martin Nissen qui interprète Louis. «Il a fait des séquences très dures, très longues, mais il n'a jamais été imprégné par le rôle au point de se laisser aller (à la mélancolie)», dit le réalisateur.

Coproduction québécoise

Coproduit par Palomar Films, la maison de Barbara Shreier (Un été sans point ni coup sûr), Un ange à la mer voit passer, au sein du quatuor familial, les visages familiers de Pierre-Luc Brillant et de Louise Portal. Des apparitions seulement, leurs personnages ayant été réduits au montage.

«Cela ne passait pas. La tension tombait, cela ne marchait pas les personnages secondaires. On a décidé de les enlever et c'était le jour et la nuit», dit le réalisateur, très attaché à Louise Portal. «Sur le tournage, elle a été une mère pour tout le monde», se souvient-il.

Frédéric Dumont espère pouvoir tourner son deuxième long-métrage au Québec.

Un ange à la mer prend l'affiche au Québec le 23 octobre.