Le destin d'Amelia Earhart, aviatrice aux multiples records disparue en mer à l'âge de 40 ans, est de ceux dont on fait les films. L'actrice Hilary Swank et la réalisatrice Mira Nair se sont attaquées à la légende, à l'icône et, surtout, à la femme. Elles en parlent.

Amelia Earhart est devenue une légende de son vivant. Un statut qui s'est ancré encore plus profondément dans l'inconscient collectif quand elle a disparu au-dessus du Pacifique, le 2 juillet 1937, alors qu'elle tentait de faire le tour du monde avec son bimoteur Lockheed Electra. Elle avait 40 ans.

Depuis, la première femme à avoir traversé seule l'Atlantique en avion fait figure d'icône - et pas seulement en Amérique du Nord. Transposer son histoire à l'écran et l'incarner relevait du grand défi. La réalisatrice Mina Nair (Salaam Bombay!, Vanity Fair) et l'actrice Hilary Swank (Boys Don't Cry, Million Dollar Baby) se sont portées volontaires.

Le résultat, écrit par Ron Bass (Rain Man) et Anna Hamilton Phelan (Gorillas in the Mist) à partir de deux biographies de l'aviatrice, s'intitule simplement Amelia et s'attarde sur les 10 dernières années de sa vie. Entre le moment où elle commence à établir des records et celui de sa disparition, en passant par son mariage avec l'éditeur George Putman (Richard Gere), sa relation extraconjugale avec le pilote Gene Vidal (Ewan McGregor) et les gestes qu'elle a faits pour faire avancer la cause des femmes.

«Comme tout le monde, j'ai appris des choses sur Amelia Earhart dans mes livres d'école. Mais pour moi, l'important n'était pas les simples faits, il fallait que j'aille «sous sa peau», que je la comprenne de l'intérieur. Vous savez, c'est une immense responsabilité d'incarner une icône, quelqu'un dont tout le monde a des images en tête. Nous n'avions pas la liberté que la fiction permet», a indiqué Hilary Swank lors d'une conférence de presse tenue dans un petit aéroport du comté d'Essex, au New Jersey.

Derrière l'actrice et la réalisatrice Mira Nair, un bimoteur Lockheed Electra argenté. Semblable à celui d'Amelia Earhart. Magnifique. Mais minuscule. Et d'apparence si fragile. Traverser des océans à bord de tel engin? Impensable. En tout cas, aujourd'hui. Pas du temps des pionniers de l'aviation.

«Voler est devenu quelque chose de tellement commun, aujourd'hui... et je pense qu'Amelia serait heureuse de voir cela. Mais à son époque, voler était un sport dangereux. C'était risqué et rare. Et ce que vous voyez derrière moi comme une machine du passé était, pour elle, la fine pointe de la technologie», poursuit Hilary Swank, qui a pris des cours de pilotage avant de commencer le tournage: «Vous ne pouvez même pas une seconde penser à incarner Amelia Earhart sans savoir piloter.»

Pour se préparer, la comédienne a aussi lu des biographies, lu les livres écrits par l'aviatrice elle-même, étudié les archives visuelles dans lesquelles on la voit. «J'ai essayé de comprendre qui elle était vraiment, pas seulement le personnage public. Comprendre cette femme qui a vécu sa vie de la manière dont elle voulait la vivre, qui n'a pas baissé d'un cran ses ambitions, et qui ne s'en est jamais excusée. C'est une attitude encore rare aujourd'hui, en particulier chez les femmes.»

C'est pour cela que, comme Mira Nair, elle trouve que les textes les plus révélateurs concernant Amelia Earhart sont ses propres écrits - 20 Hours and 40 Minutes et The Fun of It, relatant respectivement ses deux traversées de l'Atlantique, la première comme passagère et la deuxième, en solo. Tous deux, publiés par George Putman, qu'elle a épousé en 1931.

«George est celui qui a rendu les rêves d'Amelia possibles, souligne Mira Nair. C'est lui qui a trouvé l'argent pour financer ses vols.» En devenant pour ainsi dire son agent, en lui trouvant des contrats de publicité, en la publiant, en l'aiguillant vers le domaine de la mode - puisqu'en 1934, l'aviatrice a lancé sa propre collection de vêtements.

Amelia, elle, a ainsi pu se concentrer sur sa passion et, grâce à ce qu'elle faisait et était, «à l'avancement de la cause des femmes - dans la société américaine en général et dans l'aviation en particulier», rappelle la réalisatrice qui a tenu à tourner en format anamorphique afin «que l'on voie, que l'on sente l'avion». En vol, au sol. De l'extérieur comme de l'intérieur.

Cet intérieur, de la machine mais aussi, d'une certaine manière, de celle qui est à ses commandes, est l'essence de la dernière demi-heure du film. On y retrace les échanges avortés - à cause d'une accumulation de problèmes et d'erreurs techniques - entre Amelia Earhart et le navire Itasca qui attend près de la minuscule Howland Island où l'Electra doit se poser afin de refaire le plein et poursuivre son tour du monde.

«Nous avons utilisé la transcription de ces communications, raconte Mira Nair. Rien ne pouvait être plus dramatique ni déchirant.» En effet, dans tel cas, la vérité parle plus que la fiction - et cette scène en est la preuve.

Amelia a pris l'affiche hier, en anglais seulement.

Les frais de voyage de ce reportage ont été payés par Fox Searchlight.