Avec La solitude des nombres premiers, le réalisateur italien Saverio Costanzo a présenté jeudi à la Mostra de Venise un «film d'horreur sentimentale», où le corps sert de vecteur et d'exutoire à la souffrance.

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Dernier long métrage italien en lice pour le Lion d'Or qui sera décerné samedi soir, La solitude est tiré du roman éponyme de Paolo Giordano, acclamé en Italie (paru en 2007), mettant en scène sur plus de vingt ans deux jeunes gens solitaires, démolis par leur passé et leurs parents.

Coécrit par le réalisateur et l'écrivain, le film est une fidèle transposition du roman - «les obsessions mathématiques de l'auteur en moins, difficiles à traduire», nuance Saverio Costanzo (Paolo Giordano est un as de la physique).

La particularité des nombres premiers - deux, trois, cinq, sept, onze... - c'est de ne pouvoir être divisés que par eux-mêmes ou par un. Certains cependant possèdent un jumeau dont ils ne sont séparés que par un nombre pair...

Alice et Mattia (un mathématicien doué que son génie même contribue à isoler) sont ainsi, uniques et isolés parmi les leurs, hantés chacun par les tragédies de leur enfance.

Chacun, muré dans cette incapacité à se couler dans son environnement, va trouver chez l'autre son double, sans savoir l'exprimer ni l'avouer, prolongeant ainsi dans l'âge adulte les malaises de l'adolescence.

Pour les traduire, Saverio Costanzo a demandé à ses acteurs de transformer leur corps: «C'était, justifie-t-il, leur donner ainsi la possibilité de raconter cette évolution».

Alba Rohrwacher (Alice) a ainsi perdu une dizaine de kilos pour devenir cette jeune femme décharnée tandis que Luca Marinelli (Mattia) en gagnait presqu'autant. «Ce travail sur le corps s'est avéré fondamental pour traduire la souffrance des personnages. Mais on ne s'est rendu compte de notre transformation qu'en visionnant le film», a raconté jeudi l'actrice.

Loin de ce huis-clos familial, filmé à l'inverse en technicolor grandiose dans le nord du Japon, Treize assassins - également en compétition officielle - rend honneur à un autre genre de cinéma: le film de samourais.

Son réalisateur, le Japonais Takashi Miike, espère ainsi donner une leçon d'histoire à ses jeunes compatriotes. L'histoire de Treize assassins, remake d'un film de 1963, prend place à la fin de l'époque Edo au milieu du 19è siècle, en un temps où les samouraïs sont encore voués corps et âmes à la protection de leur Shogun.

Pour mettre un terme aux agissements sanguinaires et sadiques d'un seigneur qui viole tous les codes de l'honneur, le conseiller du Shogun charge un samouraï estimé, Shinzaemon, de l'assassiner: Shinzaemon recrute alors douze de ses pairs pour monter un plan diabolique qui s'achève, après moult stratagèmes divertissants, dans un bain de sang au sabre.

Un tournage particulièrement exigeant, a indiqué jeudi Miike: «Nous n'avons plus beaucoup de chevaux pour faire des films au Japon et peu d'acteurs qui sachent monter: il a fallu s'exercer énormément et répéter de nombreuses fois». Non seulement à cheval, mais aussi au sabre, explique l'acteur Koji Yakusho (Shinzaemon): «On a tous été blessés, moi-même deux fois».

Pour le réalisateur, cette histoire n'appartient pas à un lointain passé: «C'est le genre de situation que nos grands-parents ont connue», relève-t-il. «Mais personne ne l'enseigne plus et les jeunes générations ne connaissent pas l'histoire contemporaine», regrette-t-il.

Vendredi, le jury de la Mostra, présidé par le réalisateur Quentin Tarantino, découvrira les trois derniers films de la sélection officielle.