Le Cinéma Impérial, édifice patrimonial sauvé in extremis par Québecor en 2017, n’a toujours pas obtenu le financement nécessaire à sa restauration, apprend-on dans un communiqué publié lundi. L’OSBL indique qu’en raison du « financement fédéral insuffisant », le cinéma de la rue De Bleury « devra mettre fin à ses activités le 31 janvier 2024 ».

D’après Benoît Clermont, porte-parole du conseil d’administration du Centre Cinéma Impérial, Québecor aurait déjà investi 8,5 millions dans la sauvegarde du cinéma au cours des six dernières années, tandis que le gouvernement du Québec se serait engagé à verser une somme de 5,6 millions dans la réfection du bâtiment construit en 1913, qui nécessite des travaux importants. La Ville de Montréal s’est aussi engagée à contribuer à sa réfection, des discussions sont « en cours » et « en bonne voie », selon M. Clermont.

Mais « sans un apport suffisant du gouvernement du Canada, la faisabilité de ce projet est lourdement compromise, et le Cinéma Impérial devra mettre fin à ses activités », écrit l’administrateur Benoît Clermont.

Le Québec a déjà perdu une grande quantité d’immeubles patrimoniaux par vétusté. Si la préservation du patrimoine bâti est une réelle priorité, une part équitable entre les contributions publiques et privées s’impose.

Benoît Clermont, administrateur du Cinéma Impérial, dans un communiqué publié lundi

L’Impérial avait été donné au Festival des films du monde (FFM) en 1995 par Viacom, l’entreprise mère de Famous Players. Mais à la suite des difficultés grandissantes du festival et de nombreux travaux de rénovation à faire sur le bâtiment, le cinéma avait dû fermer ses portes à plusieurs reprises. Des travaux de restauration avaient finalement été faits au début des années 2000.

Mais face aux ennuis financiers du FFM, Québecor avait racheté la dette hypothécaire du cinéma en 2017, permettant à l’OSBL de demeurer propriétaire et d’éviter des procédures de reprises par les créanciers. L’entreprise dirigée par Pierre Karl Péladeau était alors devenue locataire prioritaire et les activités avaient pu reprendre leur cours.

Une somme « insuffisante »

Parallèlement à cela, un montage financier des travaux à effectuer a été fait par Manon Blanchette, de Québecor, conjointement avec le directeur général de l’Impérial, François Beaudry-Losique (le fils de Serge Losique, fondateur du FFM). Le C.A. demande aujourd’hui que le « gouvernement fédéral accorde une contribution financière à la hauteur de celle octroyée par le gouvernement du Québec », soit 5,6 millions.

Le Cinéma Impérial a pourtant fait une demande d’aide de seulement 2,5 millions dans le cadre du Fonds canadien pour les espaces culturels. Patrimoine canadien ne lui a pas accordé la somme demandée, mais il doit tout de même recevoir 1 million sur deux ans à partir de 2025-2026. Une somme jugée « insuffisante » par Benoît Clermont, qui insiste sur le fait que « les demandes initiales au fédéral étaient de l’ordre de 7 millions ».

« On a besoin d’une somme d’environ 15 millions pour faire ces travaux », dit François Beaudry-Losique dans un entretien téléphonique.

En gros, on voudrait que le cinéma puisse se transformer en salle multidisciplinaire, parce qu’en ce moment, on vivote.

François Beaudry-Losique, directeur général de l’Impérial

« On doit aussi remplacer les équipements audiovisuels, les haut-parleurs, l’écran, on doit refaire la toiture, la peinture… On ne peut pas faire nos frais dans l’état actuel du cinéma. »

« On est dans un cul-de-sac »

Le cabinet de la ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, a réagi en fin de journée lundi, disant regretter « une situation difficile pour une organisation à but non lucratif qui perd des investisseurs privés ».

« En tant que gouvernement, nous nous sommes engagés à soutenir le Cinéma Impérial par le biais d’une contribution via le Fonds canadien pour les espaces culturels, conçu pour appuyer des projets clés d’organisations. Grâce à ce fonds, nous contribuons à améliorer le paysage artistique, patrimonial et créatif. Nous continuons de soutenir les organisations artistiques à travers divers programmes et collaborons étroitement avec elles pour nous assurer qu’elles puissent bénéficier des différentes initiatives que nous offrons. »

Qu’adviendra-t-il du bâtiment si Québecor ne parvient pas à trouver un nouveau montage financier ? « C’est sûr qu’on ne va pas démolir ce bâtiment le 1er février, répond François Beaudry-Losique. On va régler les choses de façon civilisée. Mais on aura des discussions sérieuses et vous saurez assez vite ce qui se passera. Pour le moment, Québecor a pris la décision de se retirer si le fédéral n’appuie pas le projet. Donc moi, j’en prends acte, je n’y peux rien. »

Benoît Clermont abonde dans le même sens. « En ce moment, on accumule les déficits. Québecor est le seul investisseur privé majeur, donc si le bâtiment n’est pas rénové, on va avoir de la difficulté à trouver d’autres investisseurs. Et plus on attend, plus les coûts de rénovation vont augmenter, a-t-il confié à La Presse. Donc on espère poursuivre les discussions avec le gouvernement fédéral pour trouver une solution. Sinon, le C.A. va regarder toutes les possibilités, mais honnêtement, en ce moment, on est dans un cul-de-sac. »

Le Cinéma Impérial accueille plusieurs festivals, dont Cinemania, le Festival du nouveau cinéma, mais aussi Présence autochtone ainsi que les Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM).