Avec quatre projets, soit trois courts métrages et la série Je voudrais qu’on m’efface, le Québec a sa place dans la programmation du festival de cinéma indépendant Slamdance, dont la 28e édition aura lieu, en ligne, du 27 janvier au 6 février.

Les films In the Jam Jar, de Colin Nixon, et Au plaisir les ordures ! (See You, Garbage !), de Romain Dumont, sont inscrits dans la catégorie des courts métrages de fiction. Un autre Québécois, Toby Andris, est aussi présent avec son film Chiatura, une production française dont l’histoire est campée en Géorgie, ancienne république soviétique où M. Andris vit actuellement. Par ailleurs, la série numérique Je voudrais qu’on m’efface (V. A. : Wipe Me Away), d’Éric Picolli et Florence Lafond (coscénariste), est inscrite avec six autres œuvres dans la section Episodes.

Au plaisir les ordures !

Ce court métrage met en scène trois éboueurs, incarnés par Guillaume Laurin, Hamza Meziani et Hamidou Savadogo, qui, le soir de Noël, sont invités à manger à la maison du premier ministre du Québec (Steve Laplante) et son épouse (Caroline Dhavernas). Les échanges, teintés de malaise, sont suivis par des caméras de surveillance que scrute un garde du corps (Ralph Prosper).

En entrevue, Romain Dumont s’indigne devant certaines façons d’agir des politiciens. « Je ne vise personne en particulier, mais je trouvais intéressant de voir à quel point on manipule certains corps de métier pour aller toucher des électeurs. Mais cela est fait avec un énorme mépris qu’on pense capable de cacher alors que ça ne fonctionne pas », résume le réalisateur joint à Paris où il s’est installé pour poursuivre sa carrière.

Lorsqu’il a découvert, en lisant un magazine, que l’ancien président français Valéry Giscard d’Estaing avait, le 24 décembre 1974, invité trois éboueurs à déjeuner à l’Élysée dans le but de renouveler la communication avec le simple citoyen, M. Dumont tenait le sujet de son film qui a été tourné dans une maison du Mille carré doré à Montréal.

In the Jam Jar

Mettant en vedette France Castel et Alain Goulem, ce court métrage tourné en anglais constitue une réflexion frontale, bouleversante et emphatique sur la mort d’un proche. Dans le cas présent, on est témoin des derniers jours d’intimité entre Joan et son fils Dan, à quelques jours de la mort de la mère.

« J’y vois une méditation sur la mort et sur le deuil, nous dit M. Nixon, un jeune cinéaste qui a travaillé en CHSLD. C’est une conversation dans laquelle les personnages partagent les non-dits, ce qu’ils auraient aimé se dire l’un à l’autre. Cette conversation n’a jamais eu lieu du vivant de Joan, mais sans doute que chacun savait ce que l’autre voulait lui faire part. »

Le choix de France Castel est entre autres modulé par son timbre de voix, dit M. Nixon. « Cette voix était parfaite pour le film dont une bonne partie se déroule en voix off. »

Quant au choix de cadrage en rond, dont la forme renvoie à un pot de confiture, il se marie à la structure du film fait en forme de diptyque. « La première image renvoie à la dernière, la deuxième à l’avant-dernière, etc., explique M. Nixon. Cela crée aussi un très beau moment d’intimité. »

Chiatura

PHOTO FOURNIE PAR LE GROUPE DE RECHERCHES ET D’ESSAIS CINÉMATOGRAPHIQUES

Scène du court métrage Chiatura

Court métrage de fiction mâtiné d’une forte approche documentaire, Chiatura nous emmène au cœur d’une ville minière de quelque 10 000 habitants dont l’exploitation de manganèse constitue la principale activité.

On y suit le parcours d’Eliso (Darejan Khachidze), une femme qui, au lendemain de la fin d’une grève, n’accepte pas ce retour au travail pour des raisons personnelles. Elle décide alors de paralyser les activités en prenant le contrôle du téléphérique destiné au déplacement des mineurs.

« La situation vue dans le film est contemporaine, indique Toby Andris. Encore l’an dernier, il y a eu des grèves importantes. Depuis que tout a été privatisé (après l’effondrement de l’URSS), les conditions de travail sont difficiles, non sécuritaires. »

La direction photo du film est exceptionnelle, oscillant entre l’ancien et le moderne, entre « le poétique et le post-apocalyptique » pour reprendre les mots du cinéaste.

Je voudrais qu’on m’efface

PHOTO FOURNIE PAR ICI TÉLÉ

Malik Gervais-Aubourg dans Je voudrais qu’on m’efface

Adaptation du roman d’Anaïs Barbeau-Lavalette, la série Je voudrais qu’on m’efface suscite l’attention depuis sa première diffusion, en mars 2021, sur Tou.tv où on peut toujours la voir. En octobre dernier, elle s’est démarquée à Canneseries, festival international de séries télévisées, grâce au prix Dior de la Révélation remis au jeune comédien Malik Gervais-Aubourg.

Son inscription à Slamdance est une première incursion aux États-Unis. « Qu’une histoire nichée comme celle-là soit présentée par les programmateurs d’un festival de l’envergure de Slamdance me réjouit, dit le réalisateur Éric Picolli. Je suis heureux de savoir qu’on va faire connaître le quartier Saint-Michel aux spectateurs. Et je suis heureux de voir que les festivals reconnaissent le langage des œuvres en format séries comme celle-ci. »

D’ici et d’ailleurs

Notons par ailleurs qu’un long métrage documentaire américain inscrit à Slamdance, Forget Me Not, a été réalisé par le cinéaste new-yorkais Olivier Bernier qui a des origines québécoises. Ce dernier raconte le parcours de sa famille pour faire inscrire son fils Emilio, atteint du syndrome de Down, dans une classe inclusive.

Le Canada anglais est aussi présent avec les longs métrages Honeycomb, d’Avalon Fast, Therapy Dogs, d’Ethan Eng, et Retrograde, d’Adrian Murray, le court Freebird en coproduction avec les États-Unis et le projet interactif Bystanding – The Feingold Syndrome en coproduction avec l’Allemagne et Israël.

Au total, la programmation compte 28 longs métrages, 79 courts et 7 séries en épisodes. Ces œuvres ont été choisies parmi 8168 projets soumis, dont 1579 longs métrages de fiction et documentaires.

Le festival est accessible au Canada en achetant un laissez-passer au coût de 10 $ US, plus les frais.

Consultez le site du festival (en anglais)

Et à Clermont-Ferrand

Par ailleurs, le Festival du court métrage de Clermont-Ferrand, en France, qui se tient du 28 janvier au 5 février, compte quatre projets québécois dans la programmation. Au plaisir les ordures !, de Romain Dumont, et Ousmane, de Jorge Camarotti, sont inscrits dans la compétition internationale regroupant 76 films. Le film d’animation Marco & Polo Go Round, de Benjamin Steiger Levine, une coproduction Canada/Belgique à laquelle participe le producteur montréalais Item 7, fait aussi partie de cette catégorie. Enfin, Belle River, de Guillaume Fournier, Samuel Matteau et Yannick Nolin, est de la compétition Labo consacrée au documentaire. Plusieurs autres films du Québec sont aussi inscrits au Marché du court métrage tenu en même temps que le festival.