Dans l’adaptation cinématographique du roman d’Elena Ferrante, dont les têtes d’affiche sont Olivia Colman, Jessie Buckley et Dakota Johnson, Peter Sarsgaard n’est pas visible à l’écran longtemps, mais sa présence est marquante. L’acteur a en outre trouvé amusante l’idée qu’a eue la réalisatrice Maggie Gyllenhaal, son amoureuse, de lui faire jouer un « irrésistible objet de désir ».

En couple depuis plusieurs années avec Maggie Gyllenhaal, Peter Sarsgaard connaissait mieux que quiconque les talents de créatrice de son amoureuse, mère de ses deux enfants. L’adaptation cinématographique qu’a tirée cette dernière de The Lost Daughter (Poupée volée), le premier long métrage dont elle signe la réalisation, est célébrée depuis son lancement à la Mostra de Venise, où le prix du meilleur scénario lui a été attribué.

« Il y a un bon moment que Maggie songe à réaliser un projet comme celui-là, mais c’est le premier qui se concrétise, a expliqué l’acteur au cours d’un entretien en visioconférence accordé à La Presse. Je n’ai pas été surpris du tout qu’elle se lance dans la réalisation. Comme il y a quelques personnages masculins dans cette histoire, elle m’a toujours dit qu’elle aurait sans doute un rôle à m’offrir, sans me dire quel personnage elle entrevoyait pour moi. »

Un mentor et plus encore…

Le personnage principal de The Lost Daughter est Leda (Olivia Colman), femme de 48 ans dont le passé trouble de mère remonte à la surface à la faveur de vacances passées sur une plage en Grèce. La relation d’une jeune mère (Dakota Johnson) avec sa fillette, sujette à des crises de larmes, ramène en effet à sa mémoire des souvenirs vieux de deux décennies. Tout comme cette jeune femme aujourd’hui, Leda avait hier de la difficulté à gérer les crises inopinées de ses deux filles et à équilibrer tous les éléments de sa vie. Le récit se déroule ainsi aux deux époques, Jessie Buckley incarnant la version plus jeune de Leda. C’est d’ailleurs avec cette actrice que Peter Sarsgaard a tourné ses quelques scènes.

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Dakota Johnson et Olivia Colman dans The Lost Daughter (Poupée volée), film de Maggie Gyllenhaal

Le personnage qu’il incarne, sommité universitaire de lecture comparée, deviendra un mentor, et plus encore.

L’acteur dit s’être amusé à camper un professeur émérite devant communiquer de vastes connaissances académiques, tout en incarnant, selon la volonté de la réalisatrice, un « irrésistible objet de désir ».

« La façon de me filmer relevait entièrement de Maggie, révèle Peter Sarsgaard. Sincèrement, nous n’en avons même pas discuté. J’essayais de penser à ceux qui, dans ma propre vie, m’ont inspiré sur le plan académique, avec leurs différentes qualités, leurs différentes énergies, qui ont tous en commun d’être très en phase avec eux-mêmes. Donc, la chose la plus importante pour moi était de donner à ce personnage une vraie présence. »

Une lente progression

Révélé au cinéma au début des années 2000 grâce à des films comme Boys Don’t Cry et Shattered Glass, Peter Sarsgaard a d’abord joué au soccer avant de se diriger vers l’art dramatique. D’une nature discrète et feutrée, l’homme a été pratiquement révélé à lui-même le jour où, dans une classe de théâtre qu’il a dû fréquenter après avoir subi trop de blessures dans le sport, il a joué un extrait de Bent, célèbre pièce de Martin Sherman.

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Maggie Gyllenhaal et Peter Sarsgaard lors de la cérémonie des Gotham Awards, tenue à New York le 29 novembre

« Moi qui ai grandi sans jamais avoir la volonté de devenir acteur, j’ai immédiatement su à ce moment que j’étais à ma place, explique-t-il. Avant ça, les enfants qui m’entouraient participaient à des pièces où ils s’amusaient d’une façon très théâtrale, qui ne correspondait pas du tout à ma nature. J’étais plutôt solitaire, avec une intolérance certaine pour le bla-bla. Quand je me suis initié au cinéma, particulièrement aux films internationaux, mon intérêt pour le jeu s’est alors développé. »

Peter Sarsgaard dit être heureux d’avoir pu perfectionner son art très lentement, en tenant de petits rôles, dans des productions vues par très peu de gens.

« Ça m’a permis de prendre de l’expérience et de faire des erreurs, dit-il. Parfois, de jeunes acteurs montent très vite et se retrouvent dans des positions de pouvoir qu’ils ne sont pas encore prêts à assumer. On leur fait signer des contrats pour cinq longs métrages, dont certains ne fonctionneront pas, et disparaissent ensuite. Je préfère avoir fait les choses plus progressivement. »

Un mot en « G » pour Maggie Gyllenhaal

L’acteur se souvient encore très bien de la première fois où il a eu l’occasion de voir la version finale de The Lost Daughter. L’expérience a été d’autant plus forte qu’il a été agréablement surpris par certains aspects. Même s’il a été très présent pendant la production à titre de « soutien moral » (« ce fut ma contribution principale », affirme-t-il), Peter Sarsgaard n’avait en effet tourné que quelques jours.

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Olivia Colman et Dakota Johnson dans The Lost Daughter (Poupée volée), film de Maggie Gyllenhaal

« Je crois avoir dit à Maggie qu’elle était un génie ! rappelle-t-il en riant. Elle m’a alors tout de suite imploré de ne surtout pas utiliser ce mot en G… Cela dit, je le pensais vraiment. Je savais que le film serait bon, mais je ne m’attendais pas à ce qu’il soit aussi remarquable sur le plan visuel. The Lost Daughter correspond exactement au genre de cinéma que j’aime. »

Je préfère, comme c’est le cas-ci, quand les dialogues ne sont pas si fondamentaux. À mes yeux d’acteur, les mots sont évidemment importants, mais ils font partie d’un ensemble. Ils ne sont pas tout.

Peter Sarsgaard

L’accueil très favorable qu’obtient The Lost Daughter le réjouit, évidemment, mais Peter Sarsgaard estime qu’au-delà des prix et des récompenses, la véritable reconnaissance d’une œuvre est ailleurs.

« L’aspect le plus satisfaisant réside dans la réaction de gens très émus par ce qu’ils viennent de voir, explique-t-il. Qui tiennent ensuite à communiquer avec Maggie pour lui dire à quel point le film leur est significatif et reflète parfaitement des sentiments qu’ils ont eux-mêmes éprouvés. Ça, ça ne ment pas. Un trophée, c’est anonyme. Un témoignage, c’est intime et personnel. »

The Lost Daughter (Poupée volée est le titre en français) sera offert sur Netflix le 31 décembre.