À quelques jours de la fin du tournage du premier long métrage d’Albéric Aurtenèche, La Presse s’est rendue à l’église de la Visitation, dans le quartier Ahuntsic, où les dernières scènes de La contemplation du mystère ont été filmées. Avec, entre autres, Emmanuel Schwartz, Sarah-Jeanne Labrosse, Gilles Renaud, François Papineau et Martin Dubreuil.

La scène se passe dans l’église d’un village non identifié du Québec. Un prêtre (Louis-Georges Girard) prononce une homélie pour marquer le premier anniversaire de la mort de Lambert Cournoyer, à la suite d’un mystérieux accident de chasse. Dans un étrange rituel, son fils Éloi (Emmanuel Schwartz), venu de la ville, est intronisé par l’Ordre des chevaliers de Saint-Hubert, incarné par un ami et compagnon d’armes, Yvon (Gilles Renaud), au son (brut) de sept trompes de chasse.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Louis-Georges Girard, dans le rôle d’un prêtre

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Le réalisateur Albéric Aurtenèche est né à Paris, mais c’est à Montréal qu’il a grandi et étudié.

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Une maquilleuse applique des retouches sur le visage du comédien Gilles Renaud.

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Une coiffeuse peaufine la coiffure d’Emmanuel Schwartz.

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La contemplation du mystère met aussi en vedette François Papineau et Martin Dubreuil.

L’équipe de La contemplation du mystère est à quatre jours de la fin de ce tournage qui a débuté il y a un mois en Estrie. Ironiquement, ce sont les premières scènes du film que l’on tourne, qui jettent les bases de ce thriller fantastique décalé, écrit et réalisé par Albéric Aurtenèche.

« J’ai été introduit à l’âge de 14 ans dans un cercle de sonneurs de trompe [cet instrument qui permettait aux chasseurs de communiquer entre eux », nous dit, amusé, le jeune réalisateur, qui n’a jamais chassé pour autant.

J’ai assisté à des messes de Saint-Hubert comme celle qu’on a tournée, j’ai joué avec certains d’entre eux. Ils nous ont d’ailleurs fourni la plupart des costumes et des accessoires.

Albéric Aurtenèche

Albé, pour ses proches, est né à Paris, mais c’est à Montréal qu’il a grandi et étudié, entre autres en cinéma à l’Université Concordia. Son scénario multicouche, inspiré entre autres de la légende de saint Hubert (interpellé par Dieu au moment de tuer un cerf), est centré sur la quête du personnage d’Éloi, urbain jusqu’au bout des doigts, aux prises avec des angoisses qu’il combattra en consommant une drogue hallucinogène aux vertus thérapeutiques (la DMT) pour trouver la paix intérieure. En espérant faire le deuil de son père, qu’il apprendra à connaître (et à respecter) à travers son cercle de chasseurs.

Enquête en filigrane

Il y a donc la quête d’Éloi, qui se retrouve un peu comme un chien dans un jeu de quilles dans cette fratrie de chasseurs, mais aussi, en filigrane, une enquête sur les circonstances entourant la mort de son père, qui le mènera sur le chemin d’un personnage mystique surnommé l’Indien (Reda Guerinik).

« C’est une quête mystico-étrange à la Da Vinci Code, où il trouvera un manuscrit qui l’aidera dans son parcours, précise Albé. On se rend compte qu’il ne chasse ni pour le panache ni pour la viande, mais pour des raisons mystiques. Je m’intéresse depuis longtemps aux mythes et aux légendes. Le fait de traquer un animal comme le cerf, qui symbolise l’immortalité (parce que ses bois repoussent chaque année), m’interpellait. Ce rapport à la mort, le fait de tuer un animal immortel, a été mon point de départ. »

Ce qu’Albé apprécie plus que tout dans son travail de création, c’est ce jeu entre ce qui est réel et ce qui ne l’est pas. 

C’est ce qui m’intéresse le plus au cinéma. Donner l’impression que quelque chose est vrai quand il ne l’est pas, et vice-versa. Et de jouer sur cette fine ligne, ce mélange de réalité, de rêve et de mysticisme.

Albéric Aurtenèche

Le titre du film lui a été inspiré par l’anthropologue canadien Jeremy Narby, qui a notamment écrit le livre The Pyschotropic Mind : The World According to Ayahuasca, Iboga and Shamanism. « Il parle de l’ayahuasca et de son rapport aux peuples d’Amazonie de façon très rigoureuse, nous dit Albé, mais à la toute fin, il termine par cette phrase qui dit en somme : la sagesse exige la connaissance, mais aussi la contemplation du mystère, c’est-à-dire de ne pas juger les croyances des autres, de ce qui est vrai ou non. »

Emmanuel Schwartz, lui, ne pouvait refuser d’incarner le personnage d’Éloi, Albéric Aurtenèche ayant écrit le rôle pour lui !

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Dans un étrange rituel, le fils de Lambert Cournoyer, Éloi (Emmanuel Schwartz, en avant), venu de la ville, est intronisé par l’Ordre des chevaliers de Saint-Hubert, incarné par un ami et compagnon d’armes, Yvon (Gilles Renaud).

« J’avais déjà joué dans son court métrage Sigismond sans images, nous dit l’acteur, qui considère ce rôle comme un cadeau. C’est un scénario de rêve pour quelqu’un comme moi. D’abord, des thrillers, on n’en fait pas beaucoup ici, et puis le côté mystique du film et ses interrogations existentielles m’interpellent beaucoup et correspondent au théâtre que j’écris. J’adore ce mélange des genres entre le réalisme et cette sorte de science-fiction mystique. »

Énigmatique Sarah-Jeanne

Dans son immersion en terrain inconnu, Éloi croisera le personnage de Diane (Sarah-Jeanne Labrosse), qui est la fille d’Yvon (l’ami du père d’Éloi), avec qui il tissera une relation, disons fraternelle.

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Sarah-Jeanne Labrosse dans la peau de Diane

« C’est le seul personnage féminin du film, nous dit Sarah-Jeanne Labrosse. C’est une fille de chasseur, qui est vraiment passionnée par la chasse à l’arc et qui est vraiment ambitieuse. Elle veut toujours ramener le plus gros buck ! Éloi possède une clé qui va l’aider à arriver à ses fins, nous glisse prudemment la comédienne afin de ne pas révéler de punch. J’aspire aussi à connaître les méthodes de chasse de l’Indien pour devenir aussi bonne que lui… », poursuit-elle, énigmatique.

Le réalisateur ira en France pour deux jours de tournage au château de La Celle-les-Bordes à la fin du mois, avant de se mettre au montage du film distribué par metafilms. « Franchement, je suis aux anges, nous dit-il. Tout s’est vraiment bien déroulé. Même que les défis qu’on a eus pendant le tournage ont amené le film une coche plus loin. »

Ce film, Albéric Aurtenèche espère qu’il rejoindra un grand public, autant que les cinéphiles avertis. « C’est décalé, il y a vraiment un mélange des genres, il y a un traitement formel en termes de rythme, qui est proche du thriller, il y a une façon dont les acteurs sont présents à l’image qui a un lien avec la comédie, en tout cas, ça fait que c’est marrant, il y a du fantastique, du drame, parce qu’il y a de l’émotion, donc c’est vraiment un mélange qu’on ne trouve pas beaucoup ici, mais qu’on voit beaucoup en Europe, donc j’espère que les gens apprécieront. »