Régis Roinsard n'est pas un nostalgique. Celui qui propose Populaire, un premier long métrage, ne pourrait avoir la nostalgie d'une époque qu'il n'a pas connue lui-même de toute façon. Il y a plusieurs années, l'auteur cinéaste fut toutefois fasciné par un documentaire retraçant l'histoire de la machine à écrire, particulièrement par un court extrait où étaient évoqués ces concours de vitesse auxquels participaient des secrétaires douées.

«Je me suis renseigné sur cet aspect étonnant de la discipline, expliquait-il au cours d'une rencontre de presse tenue la semaine dernière à Paris. J'ai même enquêté. Pour m'apercevoir que ces concours étaient en fait d'énormes campagnes de promotion orchestrées au profit des fabricants de ces machines. Ayant moi-même déjà pratiqué le tennis à un bon niveau dans ma jeunesse, j'adore les films de sport dans lesquels on met l'accent sur la compétition. Or ces films-là proviennent toujours des États-Unis. Cette histoire m'a permis de proposer un film de ce genre, mais de caractère typiquement français, d'autant qu'il s'agit là d'un sport que personne ne connaît! Bien entendu, on peut discuter sur la notion «sportive» de la discipline, mais les jeunes femmes qui y participaient s'entraînaient comme des athlètes!»

Un courant

Qui dit fin des années 50 dit aussi esthétisme à la clé. Bien que l'époque soit révolue, elle traverse encore les générations. La série américaine Mad Men semble d'ailleurs cristalliser ce courant actuel. «Il est certain que Mad Men nous force à nous dépasser, même s'il ne s'agit pas d'une influence directe, reconnaît le cinéaste. Cela dit, la façon de filmer n'est pas du tout la même. Dès qu'on campe une intrigue dans les années 50, on sera forcément comparé à tous ceux qui l'ont fait aussi. Personnellement, j'ai beaucoup aimé Peggy Sue Got Married de Coppola, tout autant que Pleasantville de Gary Ross.»

Régis Roinsard explique par ailleurs la fascination actuelle pour cette époque par une envie de fuir une époque morose.

«Cette fascination relève de l'ordre esthétique d'abord, estime-t-il. On revient toujours aux années 50, car cette époque fut marquée par l'invention d'une sorte de pureté esthétique sur le plan des formes et des couleurs. Une époque charnière pour l'architecture, le design, les voitures, la mode, le cinéma, et bien d'autres choses encore. Au-delà de ça, il y a que cette période d'après-guerre nous apparaît très gaie, surtout par rapport à celle, plutôt sombre, que nous vivons actuellement.

«Cela dit, il ne faut pas croire qu'il s'agissait d'un monde idéal non plus. Chez nous, les années 50 furent notamment définies par la guerre d'Algérie. Mais c'est aussi la naissance du rock and roll, la reconnaissance des ados en tant que groupe de consommateurs, et la notion de vitesse était partout. Cette recherche effrénée de la vitesse a évidemment un écho dans nos sociétés actuelles. D'ailleurs, cette époque, pas si lointaine, permet de comprendre l'état dans lequel est le monde maintenant. Bien entendu, les relations hommes-femmes ont évolué, tout comme le monde du travail - et avec lui la place des femmes - mais tout n'est pas encore gagné.»