La retentissante affaire d'espionnage chez le contructeur automobile français Renault se dégonflait jeudi, aucun compte bancaire étranger n'ayant été trouvé pour confondre trois cadres soupçonnés d'avoir divulgué contre rémunération des informations à l'extérieur.

«Un certain nombre d'éléments nous amènent à douter» d'une affaire d'espionnage, a reconnu le numéro deux de Renault Patrick Pélata dans un entretien au quotidien Le Figaro à paraître vendredi.

«Soit nous sommes face à une affaire d'espionnage et un cadre de la direction de la sécurité protège sa source envers et contre tout». «Soit Renault est victime d'une manipulation, dont on ignore la nature mais qui pourrait prendre la forme d'une escroquerie», indique-t-il.

«Si tous les doutes sont levés, nous proposerons la réintégration des trois cadres et, dans tous les cas, Renault sera très attentif à réparer toute injustice», ajoute le directeur général qui dit qu'il «tirera toutes les conséquences» lorsque l'enquête sera terminée.

De son côté, le patron de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, contre-espionnage) Bernard Squarcini a déclaré à l'AFP que «l'enquête pour espionnage industriel» au préjudice du constructeur automobile «se poursuivait».

Reste que pour l'heure, les investigations de la DRCI n'ont permis de mettre au jour «aucune trace d'espionnage» par des salariés de Renault, avait révélé à l'AFP une source proche de l'enquête.

A l'époque, le gouvernement français n'avait pas hésité à parler de «guerre économique».

Mais ces soupçons semblent avoir fait long feu: les enquêteurs n'ont notamment retrouvé «aucune trace de comptes en Suisse» sur lesquels ces cadres incriminés auraient été rémunérés, selon la source proche de l'enquête, qui évoque la possibilité que Renault ait reçu des informations erronées.

De faux numéros de comptes auraient ainsi été communiqués lors de l'enquête privée effectuée en interne par Renault avant que la DCRI ne soit saisie, a-t-elle précisé.

Au Liechtenstein, une source proche du dossier a pour sa part assuré que l'enquête des autorités locales avait fait chou blanc. «Le numéro de compte» fourni dans le cadre de l'enquête «n'existe pas», a-t-elle déclaré à l'AFP sous couvert de l'anonymat.

En Suisse, la Banque cantonale de Zurich «ne dispose toujours pas d'élément permettant de penser qu'elle est liée à cette affaire», selon un porte-parole.

La porte-parole de Renault avait évoqué mercredi la possibilité que Renault ait été victime d'une «manipulation».

Cette thèse, catégoriquement rejetée par l'avocat du constructeur, Me Jean Reinhart, semble pourtant bien être celle désormais retenue au plus haut niveau chez Renault. Selon le journal Libération, le directeur général du groupe, Patrick Pelata, a en effet indiqué que le constructeur envisageait à présent cette piste lors d'un entretien lundi avec les services du Premier ministre François Fillon.

De son côté, une des sources interrogées par l'AFP a indiqué que la DCRI «a assez rapidement douté d'une affaire d'espionnage», privilégiant des «affaires internes à l'entreprise» qui «pourraient au final se clore devant les prud'hommes», la juridiction chargée des litiges entre employeurs et salariés.

«Je démens absolument ce terme de manipulation», a martelé jeudi Me Reinhart. «On n'a aucun renseignement qui concourt d'une façon ou d'une autre à dire que la thèse initiale, c'est-à-dire d'espionnage, n'existe pas», a-t-il dit.

Pour Me Pierre-Olivier Sur, avocat du plus important des trois cadres incriminés, Michel Balthazard, il n'en fallait pas plus pour faire la preuve de l'«absence de culpabilité» de son client. «Il est blanchi», a-t-il estimé.

Thibault de Montbrial, avocat de Matthieu Tenenbaum, a lui constaté «avec satisfaction que Renault semble enfin ouvrir les yeux».

L'affaire commence à provoquer des remous politiques, alors que l'Etat français est actionnaire à 15% de Renault.