L'offre diesel se matérialise, mais il reste une inconnue: l'effet du prix, nettement supérieur à celui de l'essence, sur le consommateur. Il faudra donc expliquer à l'acheteur qu'il fera des économies en achetant un véhicule plus coûteux, qui brûle un carburant plus onéreux. Un bel exercice de pédagogie en perspective!

Le succès du diesel, longtemps bâti artificiellement sur le coût peu élevé de son carburant et non sur ses seuls atouts techniques bien réels, pourrait tourner court si le prix à la pompe gagne encore en altitude.

Jadis, le critère d'achat n°1 reposait sur le bas prix de ce carburant.

Psychologiquement, tout est là. Mais la promesse des constructeurs automobiles de proposer des moteurs diesel performants a visiblement aiguisé les appétits mercantiles des pétrolières. Voilà sans doute pourquoi la ruée aveugle des automobilistes vers le diesel ne se matérialisera pas à grande échelle.

Vendredi dernier, le carburant diesel coûtait 14 cents de plus que l'essence ordinaire. C'est donc dire que les acheteurs de diesel ne seront plus motivés par le seul prix du carburant, mais essentiellement sur sa consommation inférieure par rapport à l'essence, un couple moteur musclé et à sa réputation de longévité.

Il est aussi beaucoup question dans la presse automobile du succès du diesel outre-Atlantique, mais on omet souvent de dire que sa popularité tient aussi à une fiscalité plus avantageuse. Si demain matin on annonçait sur le Vieux Continent la parité du prix du litre de gazole avec celui de l'essence, la part du diesel chuterait dramatiquement. Si les Européens devaient payer plus cher le diesel que l'essence, un simple calcul ramènerait les enthousiastes sur terre: un consommateur moyen ne rentabilisera pas toujours l'achat d'un véhicule à moteur diesel, par rapport au modèle de même puissance à essence. Ne nous racontons pas d'histoires, les automobilistes regardent plus que jamais le prix du carburant. Et chaque hausse du prix du diesel risque de faire basculer dans le camp de l'essence les adeptes peu avertis du diesel.

Il n'y a donc pas une vérité économique du diesel, mais autant de cas qu'il y a de modèles et de tarifs. Pour s'en convaincre, mieux vaut sortir sa calculette pour établir le prix de revient au kilomètre de chacun des modèles proposés. Vous découvrirez avec stupeur qu'il vous faudra, par exemple, bien des années pour rentabiliser l'achat d'un Jeep Grand Cherokee équipée d'un moteur diesel. En tenant compte d'un kilométrage annuel de 24 000 km et du coût des carburants, le Grand Cherokee vous fera économiser 31$ par année par rapport au modèle équivalent animé du moteur V63,7 litres à essence. C'est toujours mieux que rien, dites-vous, sauf que le moteur diesel proposé par Jeep entraîne un débours additionnel de 3665$. Faites le calcul pour voir le nombre d'années nécessaires avant de le rentabiliser.

Bien entendu, il se rentabilisera plus vite si vous roulez plus. Mais si vous roulez plus, votre véhicule consomme plus de carburant. Il émet alors plus de polluants. Vous voyez le raisonnement? Plusieurs études menées par les constructeurs le démontrent: lorsqu'un automobiliste passe au diesel, cela se traduit pratiquement toujours par une augmentation substantielle du kilométrage.

D'accord, le diesel est un moteur moins gourmand. Le taux de compression très élevé provoque l'auto-inflammation du mélange riche en air et très pauvre en carburant. Une pollution différente comparée aux moteurs à essence catalysée. Le mélange pauvre réduit par six les émissions de monoxyde de carbone (CO), par trois d'hydrocarbures imbrûlés (HC) et par deux de benzène. Avec le catalyseur d'oxydation, on peut présumer d'une baisse importante des émissions de particules (entre 25 et 30%, selon les études disponibles), mais les oxydes d'azote, responsables des affections bronchiques, resteront bien présents.

Jadis le double d'un moteur à essence, le kilométrage prévisible du diesel a décru avec les techniques à hautes performances. Le turbo, le régime plus élevé de rotation et les exigences plus «sportives» de nouveaux usagers venus de l'essence ont entamé le crédit du diesel inusable. Parallèlement, le moteur à essence a considérablement progressé et l'écart entre les deux techniques s'est resserré.

Qu'importe si les qualités de ce moteur ne sont plus tout à fait intactes, il reste que sa plus grande vertu, en Amérique du Nord à tout le moins, est de proposer des solutions immédiates à la nécessité d'abaisser la consommation des camions légers (camionnettes et utilitaires). Les consommateurs ne demanderont qu'à suivre, mais seulement à la condition que les constructeurs et les pétrolières n'appuient pas trop sur le crayon au moment d'en fixer le prix.