L'origine du mal des transports est fort probablement le mécanisme qui nous permet de reconnaître les poisons. Oui, c'est surprenant. Mais quand on suit l'explication des experts, c'est limpide. Et cela permet de comprendre pourquoi les femmes en souffrent davantage que les hommes.

L'origine du mal des transports est fort probablement le mécanisme qui nous permet de reconnaître les poisons. Oui, c'est surprenant. Mais quand on suit l'explication des experts, c'est limpide. Et cela permet de comprendre pourquoi les femmes en souffrent davantage que les hommes.

«L'appareil vestibulaire est très important pour détecter les toxines», explique Martin Gagnon, un chiropraticien de la Rive-Sud qui a travaillé sur le mal des transports aux laboratoires torontois du ministère fédéral de la Défense, voilà quelques années, et à l'Agence spatiale européenne l'an dernier. «L'un des premiers symptômes de l'intoxication est un étourdissement. Or, pour éliminer les toxines, il faut vomir. Il est donc normal que la perception d'une anormalité par l'appareil vestibulaire - le voyage en voiture, en avion ou en bateau - cause des vomissements.»

L'appareil vestibulaire, responsable de l'équilibre, est situé dans l'oreille interne. En moyenne, 21% des passagers d'un bateau souffrent du mal de mer, le tiers jusqu'à en vomir. C'est ce qu'a conclu une étude faite voilà une vingtaine d'années, sur 20 000 personnes, par l'Université de Southampton en Angleterre. Les chiffres pour la nausée en voiture sont du même ordre: seulement 5 à 10% de la population sont sérieusement indisposés. Les femmes ont 70% plus de risques de souffrir du mal des transports que les hommes.

Cette susceptibilité féminine est probablement liée à la protection du foetus. Comme ce dernier est particulièrement fragile, le seuil de sensibilité aux poisons - et donc aux problèmes d'équilibre - est plus bas chez les femmes. «Il y a une certaine influence des hormones, mais elle n'explique que le tiers de la différence de susceptibilité entre les hommes et les femmes», indique John Golding, psychologue à l'Université de Westminster à Londres. «Il y a donc une sensibilité générale.»

D'ailleurs, l'étude de M. Golding sur le mal des transports et le cycle hormonal confirme cette hypothèse. Le minimum de susceptibilité survient juste avant les règles, et donc à un moment où une femme peut vérifier si elle est enceinte ou non.

La théorie «évolutionniste» du mal des transports a été vérifiée dans les années 70 avec des expériences sur des chiens, selon le Dr Gagnon. On a détruit l'appareil vestibulaire de chiens et on a pu vérifier qu'ils sont alors résistants au mal des transports.

Le Canada est l'un des leaders de la recherche dans ce domaine, selon M. Golding, parce que le danger de mourir d'hypothermie en eau froide est plus élevé chez les gens qui souffrent beaucoup du mal des transports. L'un des symptômes est la vasodilatation (on a chaud), ce qui diminue la résistance au froid.

Le mal des transports évolue avec l'âge. «Les jeunes enfants y sont très peu susceptibles, dit M. Golding. Peut-être à cause d'une conception incomplète de leur propre corps. Ils aiment souvent s'étourdir, comme pour tester leur appareil vestibulaire. Ils vomissent aussi souvent.»

Puis, le mal des transports augmente graduellement, jusqu'à un pic à la fin de l'enfance, entre 10 et 12 ans. Les personnes âgées semblent particulièrement peu susceptibles, ce qui pourrait être lié à un mauvais fonctionnement de l'appareil vestibulaire, selon M. Golding. Mais les études ne sont pas concluantes, parce que les personnes âgées ont aussi tendance à moins voyager et à éviter les activités étourdissantes.»

Les oncologues s'intéressent à la question parce que les personnes moins sensibles au mal des transports auront aussi moins de nausées durant les chimiothérapies. Les gens qui sont plus susceptibles aux migraines sont aussi plus touchées. À l'autre extrême de la condition physique, les personnes qui sont en forme sont plus sensibles, probablement parce que l'appareil vestibulaire est calibré pour un poids santé, selon M. Golding.

Les sportifs peuvent toutefois se consoler en pensant qu'une bonne condition cardiovasculaire facilite l'adoption de l'un des meilleurs remèdes «naturels» contre le mal des transports: le contrôle de la respiration. «C'est moins efficace que les médicaments, mais il n'y a pas d'effets secondaires, dit M. Golding. Le contrôle de la respiration fonctionne en partie parce que c'est une manière de penser à autre chose qu'à vomir, et aussi parce que le réflexe empêchant de vomir pendant qu'on respire, pour éviter de contaminer les poumons, est l'un des plus fondamentaux.» Pour cette raison, on suggère souvent de laisser l'air frais entrer dans la voiture.

De nouvelles études sur les jumeaux montrent que la génétique explique entre 50% et 70% de la variabilité dans la susceptibilité. Selon M. Golding, les recherches génétiques permettront de mettre au point des médicaments plus efficaces. «L'un des principaux problèmes, actuellement, est la somnolence qui accompagne les médicaments. Mais il y a aussi des problèmes graves pour certaines personnes, comme une augmentation de la pression oculaire.» De manière générale, si un médicament ne fonctionne pas bien, il vaut la peine d'en essayer un autre, parce qu'ils semblent avoir des moyens d'action différents.

Les autres manières simples d'éviter le mal des transports se résument à bien choisir l'endroit où on s'installe. Se placer sur la banquette avant, ou encore mieux à la place du conducteur, aide beaucoup, parce qu'on peut fixer l'horizon plutôt que les paysages changeants sur le côté. Sur un bateau, il faut être au centre, là où la houle a moins d'effet, et encore une fois regarder l'horizon. Par contre, rien n'indique que s'asseoir face à la direction d'un train a un impact, selon M. Golding. «De toute façon, le train est l'un des moyens de transports qui causent le moins de nausées.»