La première fois que je l'ai rencontré, ce devait être en 1975. J'avais 10 ans. Il était de passage dans sa ville natale qui, par un heureux hasard, était également la mienne : Chambly. Ce jour-là, sa présence avait été annoncée en grande pompe par les dirigeants de la ligue de hockey locale : Gilles Villeneuve allait procéder à la mise en jeu d'une partie de hockey. Était-ce, à l'époque, la première partie des Forts de Chambly? Pour être franc, je l'ignore. Mon seul souvenir est d'avoir obtenu mon premier autographe de cet homme au regard clair et rieur. Je lui en quémanderai deux autres, par la suite.

La première fois que je l'ai rencontré, ce devait être en 1975. J'avais 10 ans. Il était de passage dans sa ville natale qui, par un heureux hasard, était également la mienne : Chambly. Ce jour-là, sa présence avait été annoncée en grande pompe par les dirigeants de la ligue de hockey locale : Gilles Villeneuve allait procéder à la mise en jeu d'une partie de hockey. Était-ce, à l'époque, la première partie des Forts de Chambly? Pour être franc, je l'ignore. Mon seul souvenir est d'avoir obtenu mon premier autographe de cet homme au regard clair et rieur. Je lui en quémanderai deux autres, par la suite.

Son palmarès en Formule 1 ne rend pas justice à l'immense talent naturel de Gilles Villeneuve. Désolé, il fallait être là. Pour voir le duel qui l'opposa à René Arnoux au Grand Prix de France 1979 ou comment il parvint à tenir en respect ses cinq poursuivants lors du Grand Prix d'Espagne en 1981. Plusieurs extraits de ses exploits sont sur YouTube. À voir absolument.

Sur les 67 Grand Prix auxquels il a pris part, on peut compter sur les doigts d'une seule main le nombre de fois où la prestation de Gilles Villeneuve ne relevait pas de l'exploit. Il faut savoir qu'à cette époque, les Ferrari étaient reconnues pour leurs moteurs, non pour leurs châssis. Le talent de Villeneuve compensait cette lacune avec trois pédales et un volant. Son pilotage suscitait l'admiration de tous et sa façon, bien à lui, de ramener sa Ferrari dans l'axe de la piste relevait de la haute voltige. Il ne réussissait pas toujours, mais quel spectacle! Et cette performance, Villeneuve l'offrait, peu importe, le classement occupé par sa Ferrari. Jamais il n'a baissé les bras.

«Tu as aimé? C'était un peu fou, hein!», me dit Villeneuve en se faufilant entre deux roulottes stationnées à l'autre bout du circuit de l'Île Notre-Dame. C'était en 1981. La course était terminée depuis deux heures déjà. Villeneuve avait franchi la ligne d'arrivée à la troisième place au volant d'une Ferrari amputée de son aileron avant. J'étais sans voix d'avoir trop crié. J'étais aussi loin de me douter que l'autographe qu'il me signa ce jour-là allait être le dernier.

Vingt-cinq ans déjà. Gilles, puis-je toujours te tutoyer comme autrefois? Dis-moi alors : pourquoi tournais-tu si vite, ce 8 mai 1982, sur le circuit de Zolder en Belgique? C'était inutile. Il ne restait que huit minutes à la session de qualifications et les pneus de ta Ferrari refusaient de se lancer dans un autre tour rapide. Ce jour-là, tu étais battu, ton coéquipier, Didier Pironi tournait plus vite que toi. Et après, qu'est-ce que 115 millièmes de seconde? Tu ne pouvais pas l'accepter. Je comprends. Surtout pas après l'incident d'Imola, survenu treize jours plus tôt où Pironi interpréta à son avantage les consignes de l'équipe pour t'attaquer sournoisement dans le dernier tour et ainsi te soutirer la victoire. « J'espère que Gilles ne m'en gardera pas rancune. Le temps cicatrise toutes les blessures.» C'était mal te connaître.

«Dieu pardonne, Gilles non«, pouvait-on lire dans la presse italienne quelques jours après ce funeste Grand Prix d'Italie. Tu t'en souviens? Orgueilleux comme un paon, tu avais alors fait le serment de ne jamais plus adresser la parole à ton coéquipier, mais aussi de te montrer plus rapide que lui en qualifications, comme en course. « Si je veux que quelqu'un reste derrière moi, il y reste», disais-tu. Tu avais horreur de la défaite, seule la plus haute marche du podium t'intéressait. Plus encore, ta réputation d'être le pilote le plus rapide du monde. T'inquiètes pas, tu l'es toujours. Je t'en prie, là où tu te trouves, ne le répète pas à Senna. Personne n'est parvenu depuis à animer les Grand Prix avant autant de panache.

En négociant le virage Terlamenbocht à plus de 200 km/h, tu trouvas sur ta route la March de Jochen Mass. La suite, nous la connaissons tous. Toi aussi. «C'est drôle, mais vous êtes tout à fait conscient de ce qui se passe lorsqu'un accident se passe à très haute vitesse. Quand vous sortez de la voiture, vous vous souvenez de tout dans les moindres détails.» Hélas!, nous aussi. Tu nous manques. Tu me manques.

Source : Gilles Villeneuve de Gérald Donaldson.