Pendant que les travailleurs de Goodyear à Salaberry-de-Valleyfield décompressaient durant le temps des Fêtes, les syndicats américains et le fabricant de pneus scellaient leur sort à leur insu. Résultat : 800 des 1000 employés sont mis à la porte et l'usine de production de pneus devient un centre de fabrication de caoutchouc.

Pendant que les travailleurs de Goodyear à Salaberry-de-Valleyfield décompressaient durant le temps des Fêtes, les syndicats américains et le fabricant de pneus scellaient leur sort à leur insu. Résultat : 800 des 1000 employés sont mis à la porte et l'usine de production de pneus devient un centre de fabrication de caoutchouc.

Mardi dernier, le fabricant de pneus américain en est venu à une entente avec 14 000 de ses employés syndiqués aux États-Unis, en grève depuis 63 jours. En vertu de l'entente, Goodyear Tire & Rubber pourra fermer son usine de Tyler, au Texas. Mais à une condition : que la société sacrifie une autre usine qui n'est pas affiliée au syndicat United Steelworkers of America avant de toucher aux 1100 emplois à Tyler.

Goodyear n'a pas attendu longtemps afin de faire son choix. Hier, deux jours après la ratification de la convention collective par les syndiqués américains, le fabricant de pneus a annoncé la fermeture de sa seule usine de production au Québec, invoquant notamment sa faible rentabilité.

«Nous sommes d'avis que la fermeture de l'usine de Salaberry-de-Valleyfield remplit les conditions de l'entente américaine qui nous permettent de fermer l'usine de Tyler, dit Ed Markey, porte-parole de Goodyear.

«Mais ce n'est pas la raison majeure de la fermeture de l'usine, a soutenu le responsable. Les pneus de marque privée constituent une bonne partie de la production à Salaberry-de-Valleyfield. Or, Goodyear se retire de ce secteur d'activités.»

Les syndicats américains ont-ils scellé le sort de l'usine de Salaberry-de-Valleyfield ? «C'est une question à laquelle il est difficile de répondre, dit Wayne Ranick, porte-parole de la United Steelworkers of America. Notre nouvelle convention collective permet à Goodyear de fermer l'usine de Tyler, mais seulement après la fermeture d'une autre usine qui n'est pas rattachée à notre syndicat. Il semble que Goodyear ait choisi l'usine de Salaberry-de-Valleyfield.»

Après la fermeture de l'usine de Salaberry-de-Valleyfield, Goodyear a l'intention de fermer son usine texane en 2008. «Au début des négociations, Goodyear voulait fermer trois ou quatre usines, dit M. Ranick. Nous croyons que la grève a évité la fermeture d'autres usines.»

«C'est l'entreprise qui décide de fermer une usine»

Les 800 syndiqués québécois qui perdront leur emploi au cours des six prochains mois sont affiliés à la Fédération des travailleurs du Québec. Le président de la FTQ, Henri Massé, refuse de jeter la pierre à ses collègues américains. «C'est l'entreprise qui décide de fermer une usine, rappelle-t-il. Il n'y a eu aucune entente aux États-Unis pour décider de la fermeture de l'usine de Salaberry-de-Valleyfield. Les syndicats des métallos américains ne voulaient pas la fermeture de deux de ses usines aux États-Unis. Goodyear aurait aussi pu fermer une usine non syndiquée aux États-Unis.»

«Ils sont 12 000 membres métallos aux États-Unis. Ils veulent se protéger. J'imagine que nous aurions fait la même chose au Québec si nous étions autant de travailleurs», dit Mario St-Amand, vice-président du local 143 du Syndicat des communications, de l'énergie et du papier (SCEP), qui représente environ 700 des 1000 travailleurs de l'usine de Salaberry-de-Valleyfield.

La pilule est d'autant plus difficile à avaler que les syndiqués québécois se disent à la fois dociles et rentables. «C'est une décision difficile à comprendre en considérant la situation financière fragile de Goodyear, dit M. St-Amand. Nous croyons aussi que nous sommes plus rentables que bien des usines américaines. C'est vrai que nous produisons des marquées privées, mais nous avons produit des pneus Goodyear pendant la grève aux États-Unis. Nous avons aussi des concessions au fil des ans. Nous avons même accepté de couper des jobs pour rentabiliser l'usine.»

Mario St-Amand n'a qu'une seule explication à donner à ses membres. «C'est une question de politique», dit-il.

Goodyear compte transformer son usine de production de pneus en centre de fabrication de caoutchouc au plus tard en juillet prochain. La métamorphose permettra à 200 employés de conserver leur emploi. Les coûts totaux assumés par Goodyear sont estimés à entre 115 et 120 millions US, dont entre 40 et 45 millions US en argent comptant. Le syndicat demeure sceptique. «L'employeur ne nous a rien garanti, dit M. St-Amand. Il pourrait fermer le centre de transformation un mois après son ouverture.»

Goodyear prévoit épargner 40 millions US par année en changeant la vocation de sa seule usine de pneus au Québec. La société économisera annuellement 85 millions US supplémentaires en fermant trois usines en Angleterre, en Nouvelle-Zélande et au Texas. Goodyear veut réduire sa production annuelle de 21 millions de pneus d'ici 2008. L'usine de Salaberry-de-Valleyfield en produisait 7 millions par année.

En 2005, Goodyear a produit 227 millions de pneus dans le monde, dont 95 millions en Amérique du Nord.

Hier, le titre de Goodyear, qui emploie 80 000 personnes dans le monde, a perdu 13 cents (0,57 %) pour clôturer la séance à 22,67 $ US à la Bourse de New York.

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GOODYEAR EN CHIFFRES

» Nombre d'employés

Valleyfield : 1050

Dans le monde : plus de 80000

» Production de pneus:

Valleyfield : 7 millions

Dans le monde : 227 millions

» Revenus :

2005 : 19,7 milliards US

2004 : 18,4 milliards US

» Profit net :

2005 : 228 millions US

2004 : 115 millions US