Voyager avec un passager augmente de 60% le risque d'accident avec blessés, a découvert Suzanne McEvoy, de l'Université de Sidney. Deux passagers ou plus doublent ce risque. Des voitures où étaient assis des passagers se retrouvaient dans environ le tiers des accidents.

Voyager avec un passager augmente de 60% le risque d'accident avec blessés, a découvert Suzanne McEvoy, de l'Université de Sidney. Deux passagers ou plus doublent ce risque. Des voitures où étaient assis des passagers se retrouvaient dans environ le tiers des accidents.

«Le danger est particulièrement élevé pour les jeunes conducteurs, explique la psychologue australienne, en entrevue téléphonique. Ils ont une moins bonne capacité de refuser les distractions quand la conduite est délicate. Par exemple, ils ne vont pas nécessairement interrompre une conversation lors d'un virage à gauche dans une artère fréquentée, comme le feraient des conducteurs plus expérimentés.»

L'étude du Dr McEvoy, publiée dans la revue Accident Analysis and Prevention, n'a pu quantifier le risque accru que posent les distractions chez les jeunes, faute d'un nombre suffisant de cobayes. Elle a interviewé 1400 automobilistes qui s'étaient retrouvés à l'hôpital, à Perth, entre 2002 et 2004, à la suite d'un accident routier. L'entretien avait lieu quelques heures après l'accident, dès que les médecins jugeaient que le patient pouvait s'y prêter.

À titre de comparaison, parler dans un téléphone portable augmente de quatre fois le risque d'accident. «C'est beaucoup plus risqué que de parler avec un passager, dit le Dr McEvoy. Plusieurs auteurs ont avancé qu'un passager peut «lire» la route et interrompre la conversation quand la conduite est plus difficile. Une personne qui parle au téléphone à un automobiliste ne pourra le faire. Je pense que ça pourrait expliquer une partie de la différence.»

L'épidémiologiste australienne n'a pas réussi à voir de différence entre les téléphones «mains libres» et les autres. Mais elle est persuadée qu'elle existe. «C'est peut-être parce que différents modèles de mains-libres ont des effets différents. Peut-être que la numérotation est particulièrement problématique, et que les téléphones qui composent les numéros grâce à la reconnaissance de la voix sont la solution. Sinon, il faudrait envisager des systèmes qui coupent le moteur dès que le conducteur parle au téléphone. Ça serait une solution probablement difficile à imposer. Il faudrait qu'elle soit introduite par des compagnies d'assurances, en échange de primes réduites. On peut aussi penser que les systèmes d'avertissement des collisions diminueront les effets de la distraction.»

Certains chercheurs avancent que les automobilistes distraits conduisent plus lentement, pour compenser leur inattention. C'est la théorie de l'«homéostasie du risque»: un individu va toujours chercher à garder constant son niveau de risque. L'homéostasie du risque est à la base de l'idée que les systèmes de freinage ABS amènent les gens à conduire plus rapidement. «On entend souvent parler des gens qui ralentissent quand ils parlent au téléphone, admet le Dr McEvoy. Ça enrage beaucoup les autres automobilistes. Mais je ne crois pas que l'homéostasie du risque s'applique aux distractions, particulièrement chez les plus jeunes, qui n'ont pas encore accumulé beaucoup d'automatismes en conduite automobile.»

Dangereuses distractions

L'épidémiologiste de Sidney s'intéresse depuis une dizaine d'années aux distractions. «Il y a beaucoup d'études sur l'impact de la fatigue, dee l'alcool ou de la vitesse sur les accidents routiers. Mais les distractions sont des situations beaucoup plus fréquentes. Il suffit parfois de changer de disque, particulièrement pour les jeunes conducteurs, pour qu'un accident survienne. Les distractions sont particulièrement difficiles à étudier parce qu'elles ne sont pas toujours mentionnées dans les rapports de police ou d'assurances. Par exemple, une célèbre étude américaine sur le sujet, qui concluait que 8,3% des accidents sont causés par des distractions, manquait de données à ce sujet pour le tiers des 5000 accidents analysés.»

D'autres études ont tenté de quantifier le risque de l'inattention et des distractions. L'an dernier, des psychologues américains ont étudié la question en plaçant des caméras vidéo dans 100 voitures pendant un an (240 automobilistes y ont participé). Les auteurs ont découvert que trois fois sur quatre, un automobiliste quitte la route des yeux avant un accident. Pour les accidents évités de justesse, la proportion est de deux sur trois.

Des neurologues ont quant à eux avancé que l'immaturité de régions du cerveau liées à la socialisation, chez les jeunes adultes, accentuent l'influence des passagers sur le conducteur. C'est ce qui expliquerait que les jeunes automobilistes sont particulièrement susceptibles d'être influencés par un passager qui les encourage à conduire plus rapidement.