Devant la mouture 2011 de l'univers de la moto, l'amateur moyen s'émerveillera probablement du niveau de technologie et de performances encore plus élevé d'une nouvelle sportive, ou encore devant l'interminable équipement et le généreux luxe d'une nouvelle monture de tourisme. Il s'étonnera de la ligne inhabituelle d'une certaine custom, s'intéressera aux détails d'une quelconque promotion. Bref, en surface, aux yeux du public moyen, 2011 ressemble un peu à une année moto ordinaire. Mais elle est tout sauf cela.

En fait, après quelques chaotiques années d'incertitude profonde en partie liée à la crise financière mondiale et en partie au phénomène démographique qu'est l'exode des baby-boomers, finalement, en 2011, l'industrie de la moto semble reprendre une direction relativement claire. Celle-ci est exécutée sur deux axes, le premier s'établissant autour d'une très agressive bataille de parts de marché et l'autre autour de la quête d'une nouvelle génération de motocyclistes qui remplacerait celle des boomers.

Comme il s'agit d'une stratégie très différente de celle qui a défini, disons, les deux dernières décennies, parler dans ce cas de bouleversement, de réorientation complète et de période charnière du marché est on ne peut plus approprié.

En mode survie

Il est maintenant presque certain que la moto telle que nous l'avons connue depuis les 20 dernières années, celle qui progresse au point d'en devenir extrême dans le but de garder l'attention et de mériter l'argent d'une clientèle toujours plus exigeante, représente une formule qui n'est plus viable pour la simple et bonne raison que cette fameuse clientèle a vieilli et qu'elle quitte maintenant les deux-roues.

Les constructeurs réalisent aujourd'hui que la jeunesse, donc la relève, est complètement plongée dans un univers virtuel et qu'elle ne s'intéresse pas réellement à la moto. En fait, pour beaucoup de jeunes adultes, la moto est une activité associée aux «vieux», tandis que les modèles offerts leur semblent trop gros, trop extrêmes et surtout trop chers. Ce qui est tout à fait normal, puisqu'il s'agit de modèles conçus et peaufinés dans le but de plaire à un tout autre auditoire.

Lorsqu'on parle de «motos pour jeunes» aux constructeurs, plusieurs répondent de façon très - et probablement trop - prévisible en faisant référence à des lignes dynamiques, à des selles basses et à divers autres aspects techniques. Incroyablement, très peu semblent réaliser qu'il en faudra beaucoup, beaucoup plus pour convaincre une génération entière dont les intérêts n'ont rien à voir avec la moto de s'intéresser à ce véhicule au point d'en acquérir un.

Harley-Davidson est l'un des rares constructeurs s'attaquant directement à ce problème en tentant de séduire les jeunes adultes en leur vendant non pas une fiche technique, mais plutôt un style de vie. Il s'agit en fait d'une solution qui ne devrait étonner personne, puisque la plus grande spécialité du constructeur de Milwaukee a toujours été de vendre ce fameux style de vie et la mystérieuse aura qui lui est rattachée. Harley-Davidson ne fait donc aujourd'hui qu'adapter ce travail de persuasion à un auditoire jeune plutôt que mature.

Le plus étonnant dans cette stratégie, c'est que les modèles demeurent techniquement presque identiques et que le plus grand changement est un traitement visuel baptisé Dark Custom qui consiste essentiellement à remplacer la dominance de pièces chromées par divers niveaux de finition noire. C'est tout. Pas de nouveaux moteurs, pas de nouveaux châssis, pas de nouvelles technologies. Juste un changement de finition. Et ça semble très bien marcher, puisque le constructeur obtient la plus grande part de marché chez les jeunes adultes.

Photo fournie par Harley-Davidson

Pas de nouveaux moteurs, pas de nouveaux châssis, pas de nouvelles technologies. Juste un changement de finition. Et cette stratégie semble très bien marcher, puisque Harley-Davidson obtient la plus grande part de marché chez les jeunes adultes.

Photo fournie par Triumph

Triumph obtient beaucoup de succès en raflant des parts de marché aux constructeurs rivaux. C'est le but de la toute nouvelle Tiger 800XC.

L'une des plus intéressantes facettes des années à venir s'annonce ainsi l'observation des stratégies choisies par les diverses marques et, surtout, par leur succès auprès de la clientèle visée.

Bertrand Gahel est l'auteur du Guide de la moto.

Photo fournie par Ducati

Cette Ducati Diavel illustre bien la créativité qui découle de la pression de trouver de nouveaux créneaux.