C'est bien connu, les autorités gouvernementales ont mené une lutte intense contre la vitesse sur les routes, ces derniers temps. Comment, alors, évaluer et décrire de manière honnête une moto de performance comme la nouvelle Suzuki GSX1300R Hayabusa, sans tomber dans l'irresponsabilité sociale? Et le collègue Éric Lefrançois, lui, avec ses bagnoles à 500 ou 600 chevaux, il fait comment?

La vérité? Je n'ai aucune idée de la manière de «camoufler» le potentiel de vitesse d'une telle machine. Et je n'ai nullement l'intention de le faire. La nouvelle Suzuki est ce qu'elle est: rapide, incroyablement rapide.

Pour tester la bête de presque 200 chevaux, Suzuki a convié la presse spécialisée sur le circuit de Road America dans l'État du Wisconsin, l'un des plus rapides en Amérique du Nord. Le choix était approprié.

Sur les longues portions plus ou moins droites de Road America, la Hayabusa 2008 a pu lâcher toute sa furie. J'ai vu 300 kilomètres à l'heure au compteur, trois fois par tour. Oui, monsieur! Et comme chacune de ces longues portions est suivie d'un virage relativement lent, ces pointes étaient suivies de freinages aussi longs qu'ahurissants.

Confortablement blotti derrière un carénage enveloppant aux formes organiques et profitant d'un nouveau pare-brise plus large et plus haut que sur le modèle original commercialisé entre 1999 et 2007, la vitesse pure aux commandes de la nouvelle «Busa» est réduite au stade de formalité. L'accélération de la grosse Suzuki est telle qu'il ne faut que quelques secondes au cerveau moyen pour ne plus parvenir à gérer l'accroissement exponentiel du rapport temps/distance qu'il subit...

La poussée est si grande que le simple fait de s'agripper aux poignées devient une épreuve. Ajoutez à cet effort des décélérations tout aussi brutales et le travail nécessaire à «brasser» la grosse et lourde Busa autour d'un circuit sans parler de la concentration requise pour piloter une moto à de telles vitesses et vous obtenez la définition même d'une expérience intense. Jamais des tours de circuit n'ont pour moi été aussi physiquement et mentalement éprouvants.

À quoi cela sert-il sur les chemins publics? Je répondrais que toute cette débauche de puissance a évidemment l'avantage d'offrir une grande souplesse mécanique, de faciliter les dépassements et de réduire le nombre de changements de rapports en conduite normale. Mais la vérité est que la majeure partie du temps, tout ça ne sert à rien si ce n'est qu'à impressionner la galerie. Ne riez pas, vous seriez surpris d'apprendre combien de véhicules sont vendus pour les mêmes raisons. Vous croyez que toutes les Corvette triplent la limite sur l'autoroute, que tous les VUS partent en safari et que tous les hybrides consomment des gouttes? Bref, arrêtons de dire qu'un véhicule est dangereux parce qu'il est capable de hautes performances.

La nouvelle Hayabusa est l'un des engins de route les plus rapides du monde. Elle l'était dans sa version originale. Elle l'est plus que jamais maintenant que Suzuki l'a enfin révisée et peaufinée. Il s'agit aussi d'une moto très stable, au freinage très puissant, dotée d'une tenue de route parfaitement à la hauteur de ses performances, et dont le niveau de confort est relativement bon au quotidien.

Si ces qualités ne sont pas celles qui attirent avant tout les acheteurs, elles démontrent que derrière les oh et les ah au passage de la Busa, on trouve aussi une bonne moto. Bien sûr, la Hayabusa se veut plus que jamais l'incarnation de la vitesse. Mais dans la mesure où l'exploitation de ce potentiel est la responsabilité du pilote, pourquoi aurait-elle à s'excuser de quoi que ce soit?

Les frais de voyage et d'hébergement pour ce reportage ont été payés par Suzuki. Bertrand Gahel est l'auteur du Guide de la Moto.