The Drew Barrymore Show ne reviendra finalement pas en ondes avant la fin de la grève des scénaristes. Après l’annonce controversée que l’émission allait débuter lundi malgré les protestations, l’actrice devenue animatrice a fait marche arrière et présenté ses excuses. Retour sur une semaine en dents de scie.

La vedette dissidente

La dernière semaine a été mouvementée pour Drew Barrymore. L’actrice, qui anime depuis 2020 un talk-show portant son nom, avait annoncé le retour en ondes de son émission pour une quatrième saison dès le 18 septembre, malgré la grève en cours dans le milieu de la télévision et du cinéma.

Bien que les scénaristes et les acteurs (également en grève) aient interrompu la production télévisuelle et cinématographique aux États-Unis, Barrymore avait affirmé dans une publication Instagram (maintenant retirée) qu’elle assumait totalement sa décision, notamment parce que d’autres employés de l’émission seraient touchés par l’arrêt des activités. Le syndicat représentant les scénaristes, la Writers Guild of America (WGA), n’avait pas trouvé ses arguments convaincants. Les trois scénaristes de l’émission étant en grève, tout travail d’écriture contrevient en effet aux directives de la guilde.

« Les scénaristes écrivent les monologues et les questions pour les émissions comme celle de Drew Barrymore », explique Barry Eidlin, professeur associé de sociologie à l’Université McGill, en entrevue avec La Presse.

Même en disant qu’elle appuyait le syndicat, ses gestes brisaient la grève.

Barry Eidlin, professeur associé de sociologie à l’Université McGill

« Tout est un peu plus flou, à Hollywood, nuance-t-il. Ce n’est pas comme une usine qui ne peut plus fonctionner si les travailleurs ne viennent plus, alors les studios peuvent essayer de contourner les règles. »

Trop peu, trop tard

Le tournage avait ainsi repris la semaine dernière, sans scénariste, et les épisodes filmés d’avance devaient être diffusés à partir de lundi. The Drew Barrymore Show est produit par CBS, et des membres du syndicat des scénaristes (soutenus par des téléspectateurs) ont fait un piquet de grève devant les studios dès la reprise du tournage.

Face aux critiques de plus en plus virulentes, Drew Barrymore a décidé de publier vendredi dernier une vidéo sur Instagram dans laquelle elle tentait de justifier son choix. « Mon intention n’a jamais été de blesser qui que ce soit », y disait-elle, tout en insistant sur le fait que le retour de son talk-show se faisait « en accord » avec les règles de grève de la guilde. « Je ne m’attendais certainement pas à ce genre d’attention », avait-elle confié.

Cette vidéo a été supprimée quelques heures après sa mise en ligne, alors que les critiques fusaient de plus belle. L’actrice Alyssa Milano avait notamment dit à l’Associated Press que cette décision était « dommageable » pour le mouvement de grève et « pas le meilleur choix ».

Écrire sans scénariste

« Je pense que l’enjeu est plus grand que nous trois, scénaristes du Drew Barrymore Show », avait témoigné Chelsea White, l’une des scénaristes de l’émission, devant les studios de CBS la semaine dernière. « C’est décevant d’entendre que l’émission revient quand même, car ça envoie le message que les scénaristes syndiqués ne valent rien. Et cela va directement à l’encontre de ce que la WGA, la SAG-AFTRA [syndicat représentant les acteurs] et tous les syndicats tentent de faire pour s’opposer aux studios cupides », ajoutait-elle, interviewée par le Hollywood Reporter.

La question suivante se pose alors : comment une émission peut-elle se faire sans les scénaristes qui l’écrivent ? « Il faut trouver des gens qui sont prêts à travailler malgré la grève pour remplacer les scénaristes. Mais c’est un grand risque parce qu’ils ne pourront plus travailler lorsqu’elle sera terminée », dit le sociologue Barry Eidlin.

D’autres émissions, comme The View, talk-show des studios ABC animé notamment par Whoopi Goldberg, Sara Haines et Joy Behar, sont toujours diffusées, malgré la grève. Goldberg avait indiqué que l’autre grève en cours, celle du SAG-AFTRA, ne les concernait pas directement et que les animatrices travailleraient sans scénariste le temps que durerait la grève.

Drew Barrymore [aussi] disait qu’elle écrirait ses propres monologues, mais il y a une bonne raison pour laquelle ces émissions se font avec une grosse équipe et des scénaristes.

Barry Eidlin, professeur associé de sociologie à l’Université McGill

Retour à la case départ

« J’ai écouté tout le monde et je prends la décision de suspendre la première de l’émission jusqu’à la fin de la grève », a écrit Drew Barrymore sur sa page Instagram dimanche. « Je n’ai pas de mots pour exprimer mes plus sincères excuses à tous ceux que j’ai blessés et, bien sûr, à notre incroyable équipe qui travaille sur l’émission et qui en a fait ce qu’elle est aujourd’hui. Nous avons vraiment essayé de trouver une façon d’avancer. Et j’espère sincèrement qu’une solution sera très prochainement trouvée pour l’ensemble de l’industrie. »

Par ce court message, l’actrice et animatrice a mis fin à la controverse. De nombreux messages sous la publication la remercient d’avoir changé d’avis. « Nous savons que ça a été difficile et ça vaut énormément pour nous que vous ayez changé d’avis », a par exemple écrit Travis Helwig, un scénariste établi à Los Angeles. La WGA a également commenté : « Merci Drew. » Le studio CBS a dit soutenir la décision de Drew Barrymore dans une déclaration adressée au magazine Variety. « Nous comprenons à quel point ce processus a été complexe et difficile pour elle », a indiqué le studio. Les épisodes tournés la semaine dernière ne seront jamais diffusés.

Et la suite ?

Alors que les studios et les syndicats parlent ces jours-ci de retourner à la table de négociations, d’autres émissions comme celle de Drew Barrymore reportent leur retour en ondes, dont le talk-show de Bill Maher, celui de Jennifer Hudson et The Talk, animé par Sara Gilbert.

« Les syndicats hollywoodiens font la grève chaque fois qu’il y a de grands changements technologiques », comme l’arrivée de la télé en 1960 ou le passage à la télévision câblée payante au début des années 1980, rappelle Barry Eidlin.

« Les répercussions de ces grèves ne se font pas sentir immédiatement, parce que lorsqu’on allume la télé, on a encore plein d’émissions et il y a encore plein de films dans les salles de cinéma. Mais on s’approche du moment où ça va commencer à se faire sentir dans les profits des studios, parce que les nouvelles saisons n’auront pas été tournées et les prochains grands films non plus. Ça va changer les choses. »