Pénélope McQuade n'est certainement pas la seule femme à être la cible de propos sexistes, misogynes et parfois violents sur les réseaux sociaux. La Presse a invité des personnalités publiques à faire partager leur expérience. Témoignages.

Julie Bélanger, coanimatrice de Ça finit bien la semaine, à TVA, et animatrice à Rythme FM

Que reçois-tu sur les réseaux sociaux?

Ça va dans toutes les directions. Un moment donné, il faut se faire une carapace. Je reçois parfois des messages banals et insignifiants sur mon look, mais là où ça vient me chercher, c'est quand on s'attaque à mon physique. Dans mon cas, c'est souvent à propos de mon sourire. Il paraît que je souris trop et ça tape sur les nerfs de certaines personnes. On m'a déjà dit: «quand tu souris, on voit tes gencives. C'est désagréable à regarder». Le monsieur qui m'a envoyé ça ne ressemblait pas non plus à Brad Pitt. [...] Tu rumines ce genre de message pendant 24 heures, puis après, tu te dis que ça parle beaucoup plus sur la personne qui te l'a envoyé, qui ne doit pas souvent rire dans sa vie.

Comme Pénélope McQuade, t'arrive-t-il de recevoir des messages plus violents?

Oui, ça m'est déjà arrivé, mais je tiens à préciser que la majorité des messages que je reçois sont positifs et généreux. Il y a un réel échange qui peut se faire à travers les réseaux sociaux. Mais quand je suis en ondes, je reçois des messages négatifs hebdomadairement. Une fois, j'en ai reçu un qui était plus «heavy». Il s'agissait de photos d'un gars en érection. C'était violent. J'ai trouvé ça profondément dérangeant et ça me levait le coeur. Sur le coup, je n'ai pas su quoi faire. J'étais tellement saisie. J'ai montré ça à mon mari, qui était lui aussi dans tous ses états. [...] Quand ça arrive, il faut porter plainte. Je trouve que ce que Pénélope fait, c'est vraiment génial. Il faut dénoncer.

Saskia Thuot, animatrice à Canal Vie et à Rythme FM

Que reçois-tu sur les réseaux sociaux?

Je dois dire que je reçois peu de messages haineux, mais quand j'en reçois, je n'y accorde aucune attention. À partir du moment où tu fais un métier public, tu es exposé à ce genre de commentaires. Il faut les canaliser. [Il y a quelque temps, l'animatrice a fait une sortie publique concernant ceux qui lui parlaient sans cesse de son poids.] À ces gens, je leur réponds: «non, je ne suis pas mince, j'ai des rondeurs. C'est mon corps et il est de même». Avec cette intervention, je suis devenue un certain temps la porte-parole de ceux qui vivent des moments difficiles. Une dame [obèse] m'a écrit pour me raconter qu'elle n'osait plus sortir de chez elle, même pour faire l'épicerie, parce qu'elle ne voulait pas que les gens la voient. [...] Il faut arrêter de faire des commentaires sur le poids du monde. Nous sommes tous différents et beaux à notre façon.

Quand les auditeurs t'invectivent, comment réagis-tu?

À la radio, une dame m'a déjà écrit pour me dire que je riais trop fort. Bon, d'accord, je ris fort, mais que veux-tu que je fasse? Ça devient ridicule, il faut en rire! Il y a aussi un homme qui m'a dit que j'avais des grosses fesses. Mais oui, j'ai des grosses fesses, mais mes grosses fesses sont belles! [Rires] Pour ma part, la personne qui m'écrit une affaire plate, je la bloque automatiquement. Ou je lui écris: «mange de l'amour»! Il faut leur accorder zéro attention. Quand le message est aberrant, je me dis «pauvre personne, pense-t-elle que je vais répondre...» Par contre, les gens qui m'écrivent de beaux messages, qui partagent avec moi leurs sentiments, je prends le temps de répondre.

Léa Clermont-Dion, coanimatrice de Mitsou et Léa, à Moi & Cie, doctorante sur la question de la cyberviolence faite aux femmes, auteure

Puisque le cyberharcèlement est au coeur de ta thèse, posons une question plus académique. Comment la cyberviolence envers les femmes se manifeste-t-elle?

En ce moment, il y a peu d'études qui quantifient la cyberviolence sexo-spécifique. On s'intéresse plus à la cyberintimidation. Selon une étude publiée récemment par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, en France, les femmes sont attaquées surtout par rapport à leur sexualité et à leur corps. Sur le web, il y a une espèce d'impunité chez les agresseurs et les intimidateurs, en partie liée à l'anonymat. [...] Il y a un sentiment d'impunité parce que l'impunité est réelle. Prenons l'exemple des messages que reçoit Pénélope McQuade. Disons qu'on retrouvait [ceux qui la harcèlent], mais qu'ils sont en Chine ou aux États-Unis. Que fait-on? C'est pour ça que je suis allée cet été au Conseil de l'Europe pour présenter des recommandations pour l'élaboration de la Stratégie Genre 2017-2018. Plusieurs États se demandent quoi faire, puisqu'il y a une radicalisation de la pensée sur le web et que ceux qui harcèlent vont jusqu'à causer du tort réel.

As-tu déjà reçu des messages sexistes ou violents sur les réseaux sociaux?

C'est certain qu'avec Beauté fatale [son documentaire présenté à Télé-Québec], j'ai reçu un raz-de-marée de commentaires misogynes et haineux. On me disait toutes sortes de choses de façon crue. «T'es une pute, t'es une salope, va te suicider, t'es vraiment une connasse.» Ce sont des termes graves. Le sujet du culte des apparences, au coeur du projet, en est un qui divise. Le film a fait polémique, notamment en raison de choix de réalisation. Mais la cyberviolence que j'ai subie a finalement été une inspiration et une prise de conscience réelle. J'ai réalisé à quel point les propos dépassent les limites de l'acceptable sur le web.

Des ressources disponibles

Des ressources existent pour celles et ceux qui vivent du cyberharcèlement. La Presse a demandé au Conseil du statut de la femme quelques pistes de réflexion. Voici ce qu'on nous a suggéré.

Une vidéo explicative

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) prend la question du cyberharcèlement bien au sérieux. La police fédérale a mis en ligne sur YouTube une vidéo où elle propose des façons de réagir quand on est intimidé en ligne: imprimer la conversation, bloquer la personne, régler ses paramètres de confidentialité et signaler l'incident aux policiers.

Visionner la vidéo: https://www.youtube.com/watch?v=g7Q7uxzs9L0

Un guide d'éducation

Le Y des femmes de Montréal offre des ateliers pour aider les jeunes à reconnaître le cyberharcèlement. Un guide d'animation gratuit d'une quarantaine de pages est également mis à la disposition du public et des organismes pour reconnaître cette problématique.

Visitez le site: http://relationsnettes.ydesfemmesmtl.org/

Des lignes d'urgence

Plusieurs centres d'aide aux femmes et autres organismes ont des lignes d'urgence où l'on peut appeler pour être aidé si l'on vit du cyberharcèlement. On peut notamment communiquer avec Tel-jeunes en appelant au 1 800 263-2266, avec Jeunesse, J'écoute en appelant au 1 800 668-6868, ou avec Gai Écoute en appelant au 1 888 505-1010.

Les conseils du SPVM

Pénélope McQuade et Léa Clermont-Dion ont toutes les deux déploré certains protocoles des corps policiers quand des femmes se plaignent d'avoir été victimes de cyberharcèlement. La Presse a demandé au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ce que devraient faire les citoyens qui sont intimidés sur le web. Voici ce qu'on nous a répondu par courriel.

«[Si vous recevez des menaces par courriel], vous pouvez porter plainte auprès de votre poste de quartier. Pour ce faire, il est très important de ne pas effacer le ou les messages, afin que la preuve demeure accessible pour les prochaines étapes. Des policiers communiqueront par la suite avec vous pour vous demander de faire parvenir les en-têtes complets des messages. [Si quelqu'un a créé un site web à votre sujet et y profère des insultes et des faussetés], il existe des cas bien particuliers où il pourrait s'agir d'une infraction criminelle, mais comme des dispositions du Code civil s'appliquent spécifiquement au respect de la réputation et de la vie privée, le recours aux tribunaux civils est souvent plus concluant.»

Plus de détails sur vos recours: https://www.spvm.qc.ca/fr/Fiches/Details/Cyberintimidation