Gaële a mis les pieds au Québec en pensant qu'elle repartirait au bout d'un an. Elle s'est toutefois enracinée et a concocté ici un très beau disque où la chanson française se mêle aux ambiances électroniques.

L'idéal tango, chanson qui ouvre le premier album de Gaële, rappelle inévitablement Gotan Project. Même atmosphère à mi-chemin entre science-fiction et nostalgie, mêmes mélodies qui danse sur des bidouillages électroniques. Gaële a toutefois mis des mots sur cette musique typée et en a fait un portrait ironique d'une femme fatale aux seins «parfaitement refaits/en pur caoutchouc».

 

La jeune chanteuse d'origine française dit avoir longtemps hésité à placer cette chanson au tout début de son album, mais elle a décidé d'assumer. L'idéal tango est, selon elle, sa chanson signature. Une pièce qui représente bien son univers et donne le ton de ce qui vient ensuite. Tout s'y trouve déjà, c'est vrai: son goût pour l'électronique, les textes habilement imagés et ce désir «d'aller au bout dans l'exploration des personnages».

Gaële, à l'inverse de Gotan Projet, a heureusement plus d'un tour dans son sac. Aucune des autres chansons de son album Cockpit ne flirte avec le tango. Un soupçon de jazz, si. Un attachement à la tradition française, ça ne fait aucun doute. Et aussi un désir fou de se lancer dans des explorations ludiques où l'appareillage électronique ne sert pas à faire danser les mots, mais à les colorer, les envelopper d'un petit supplément de sens et, oui, d'âme.

«J'aime être en déséquilibre, ne pas savoir où la musique va me mener», dit la chanteuse. Elle admet avoir un côté «vieille France», mais précise tout de suite avoir toujours eu envie «d'aller vers quelque chose de plus actuel». C'est chez le réalisateur Cristobal Tapia De Veer (Cristo), qui a notamment collaboré avec Jorane, qu'elle a trouvé les clés qui lui ont ouvert les portes de son univers chansonnier.

«Son son m'a tout de suite parlé. Il était texturé, imagé et suggestif», explique-t-elle. L'approche colle en effet à merveille à ses textes qui, sans s'égarer loin des formes classiques, recèlent de jolies trouvailles. Dans Âme soeur, l'amour à distance se vit à travers «des coups de fil au kilogramme». Dans Les croix blanches, un cimetière militaire devient un «champ d'éoliennes qui ne tournent plus». Ces images qui frappent l'imagination, la chanteuse les cherche consciencieusement pour «se rapprocher des sentiments». Avec succès.

Gaële est une chanteuse allumée. Elle joue parfois autant qu'elle chante, mais sans jamais donner l'impression d'en faire trop. Voilà de toute évidence une jeune femme qui gère bien son espace de liberté. Elle a compris qu'avant de demander aux gens d'aimer ses chansons, il faut prendre le temps de bien les tourner. Des nouvelles chanteuses, il y en a tout le temps. Des univers personnels qui sentent le neuf, c'est beaucoup plus rare.

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Gaële, ce soir, 20 h, au Théâtre Outremont.