C'était soir de fête, hier, dans la grande salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. La fête d'un répertoire immortel, d'un auteur-compositeur-interprète de génie, d'un chanteur au charme inaltérable.

Jean-Pierre Ferland avait réuni autour de lui la majorité des interprètes qui chantent en duo avec lui sur l'album Toutes les femmes de ma vie, sorti l'automne dernier. De Laurence Jalbert à Luce Dufault, de Yama Laurent à Nanette Workman, d'Isabelle Boulay à Florence K, de Diane Tell à Mélissa Bédard, il fallait voir l'artiste de 84 ans chanter toujours tout près d'elles, les serrant dans ses bras, se laissant faire la bise ou caresser la joue.

Chaque sourire complice, chaque oeillade affectueuse était un bonheur de plus dans cette soirée absolument imparfaite, mais portée par une émotion encore bien plus forte. On pardonne tout à Ferland. La voix de plus en plus éteinte, les notes qui manquent de justesse, le rythme aléatoire, les débuts et les finales de chanson souvent ratées - «Je n'ai pas hâte d'avoir son âge», a lancé en rigolant Laurence Jalbert alors que la troupe peinait à lancer Un peu plus haut lors du rappel. 

On lui pardonne parce qu'il finit toujours par rattraper le coup en vieux pro qu'il est, parce que ses envolées sont aussi sincères que douteuses, parce que son plaisir est contagieux.

Comment résister à un chanteur qui s'exclame, à la fin des Immortelles avec Luce Dufault, «Qu'est-ce que tu chantes bien»? Comment ne pas craquer devant le couple qu'il forme avec Julie Anne Saumur, avec qui il chante Quand on se donne avec une passion non dissimulée? Et ne pas admirer sa gentillesse dans sa manière d'accueillir sur scène Yama Laurent, la gagnante de La voix de l'an dernier, pour chanter avec elle et lui dédier Le showbusiness?

C'est clair, Jean-Pierre Ferland est un gentleman. Et cette soirée pleine de classe en est une autre preuve, avec ses éclairages chatoyants et ses accompagnements de luxe - un band de six musiciens, un quatuor à cordes et trois choristes sont sur scène, dirigés par le pianiste et chef d'orchestre André Leclair, qui signe aussi les arrangements. Tout était à la hauteur de l'événement - «une des plus belles soirées de ma vie», a dit Jean-Pierre Ferland vers la fin -, hormis peut-être le calibrage du son, qui a connu son lot de problèmes.

Cette fête tout en douceur et en complicité aura donc été une réussite, grâce au personnage de Jean-Pierre Ferland, bien sûr, grâce à la générosité émue et chaleureuse de chacune des invitées, et aussi, bien sûr, grâce à ce répertoire qui tient la route depuis des décennies. Du Petit roi à Une chance qu'on s'a, des Fleurs de macadam à Qu'est-ce que ça peut bien faire, de Sing Sing à Un peu plus haut, elles sont si nombreuses et si ancrées dans l'imaginaire collectif qu'on se surprend à toutes les chantonner les unes après les autres.

La force des chansons, c'est ce qui reste bien sûr de cette soirée aux allures d'hommage, et tout le monde, sur la scène comme dans la salle, en a profité en sachant que c'était rare et beau.