Le rap, particulièrement celui d’ici, francophone, est célébré et décortiqué au Musée de la civilisation, à Québec, avec Sur paroles. Le son du rap queb. La Presse a visité l’exposition – qui se prolonge jusqu’en septembre prochain – avec l’artiste et conférencier Webster, qui est à l’origine du projet.

(Québec) Juste avant d’entrer dans la salle d’exposition avec Aly Ndiaye, alias Webster, un vieil ami à lui en ressort tout sourire. « Je pensais que ça allait être dans une petite section du musée, mais quand j’ai vu que c’était dans la grande salle, j’ai dit “Wow !” C’est touchant, car c’est notre enfance, c’est notre vécu », souligne Thierry Kayitana, qui rappait sous le nom Masta-Kay à l’époque où Webster évoluait au sein du collectif Limoilou Starz.

« C’est 30 ans de nos vies sur les murs d’un musée national, ajoute ce dernier. Ça fait des années que j’intellectualise et que je théorise l’exposition, mais je ne pensais pas au côté émotif. Quand je l’ai visitée la première fois, l’émotion m’est rentrée dedans. […] J’ai vu deux personnes qui étaient devant un de mes textes que j’ai écrits quand j’étais ado et c’était surréel. De voir des gens, des amis avec qui j’ai travaillé représentés, célébrés, c’est une grande fierté. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

L’artiste et conférencier Aly Ndiaye, alias Webster, est à l’origine de l’exposition.

Sur paroles. Le son du rap queb devrait ravir tous ceux qui s’identifient à la culture hip-hop par sa rigueur, son souci du détail et ses artefacts – CD, cassettes, vinyles, brochures promotionnelles, boombox et autres objets essentiels aux MC, DJ, breakeurs et graffiteurs. Mais puisque Webster voulait aussi que « le grand public y trouve son compte et que ce ne soit pas trop cryptique », l’exposition propose un circuit audio captivant relatant les origines du hip-hop et son évolution au Québec.

Anne-Sophie Desmeules, responsable des relations de presse du musée, indique que « 60 % du parcours est dans les oreilles ». L’institution a élaboré avec trois firmes de Québec une technologie de géolocalisation qui modifie l’ambiance sonore selon les déplacements des visiteurs.

Un casque d’écoute est remis à l’entrée afin d’entendre les textes narrés par Webster et Jenny Salgado, alias J-Kyll de Muzion, ainsi que des témoignages et, bien sûr, de la musique.

En six temps

Nos premiers pas se font dans le Bronx, arrondissement de New York où le hip-hop est né il y a 50 ans. C’est d’ailleurs une heureuse coïncidence que Sur paroles s’ouvre en cette année d’anniversaire, car Webster a commencé ses démarches auprès du musée en 2020. On explique par la suite qu’au début des années 1980, des Montréalais d’origine haïtienne et jamaïcaine ont permis au rap de traverser notre frontière en rapportant des cassettes à la suite de voyages dans leurs familles élargies installées à New York. Les premiers block parties en sol québécois ont été tenus à cette époque et, afin de faire vivre l’ambiance unique de ces rassemblements musicaux, l’exposition en propose un avec DJ Nerve aux platines et ParkaOne et Spectrax à l’animation.

  • Sur paroles. Le son du rap queb

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Il est également possible de se glisser dans un cypher, un cercle dans lequel des rappeurs déclament tour à tour leur prose improvisée. On entend entre autres Calamine, Naya Ali et Karma Atchykah.

Le trajet se poursuit dans les années 1990, alors que le rap se « québécise » grâce à ses nombreux métissages culturels et à l’intégration du joual dans les paroles. Avec cela vient un combat pour une plus grande reconnaissance, notamment au gala de l’ADISQ. Il est aussi question de la stigmatisation de la culture hip-hop par rapport aux valeurs négatives qu’elle peut véhiculer, ainsi que des enjeux de profilage racial et de racisme systémique.

Ce que j’aimerais que les gens retiennent est que la richesse artistique et sociale présentée dans cette expo s’est passée sous leur nez pendant des décennies.

Aly Ndiaye, alias Webster

« Souvent, le seul point d’entrée qu’ils avaient était des médias qui livraient ce que nous étions de manière négative. Là, on ajuste la lentille pour avoir une meilleure vision de ce qui s’est passé dans la cour des gens pendant 30 ans », indique Webster.

L’exposition se termine par les thèmes Engagé et Transmission. On souligne que la culture hip-hop doit poursuivre ses efforts d’intégration des femmes et des communautés marginalisées et que l’une des façons d’y parvenir est de la faire rayonner à l’extérieur du cercle des initiés. « Il faut continuer à construire, puis ratisser plus large encore. Par exemple, on n’a pas vraiment touché à la scène anglophone, mais le hip-hop au Québec a longtemps été porté par des anglophones. […] L’important est d’amener des institutions comme le Musée de la civilisation à comprendre la valeur créative de cette culture », estime Webster.

Sur paroles. Le son du rap queb au Musée de la civilisation, jusqu’au 2 septembre 2024

Consultez le site du Musée de la civilisation